« Nous partageons avec Jean-Marie le souci de faire vivre le rêve de Don Bosco et de Marie-Do auprès des jeunes et des familles » (homélie)
22 novembre 2025
Homélie, messe de funérailles du père Jean Marie PETITCLERC, sdb
Eglise Notre Dame de la Croix (Ménilmontant) – Samedi 22 novembre 2025.
Evangile selon saint Jean (21, 1-14)

I.
Ces disciples sont fraichement endeuillés.
Ils sont traversés par de multiples mouvements intérieurs.
La peine immense d’avoir perdu un compagnon de mission unique, un frère, un ami.
La détresse de n’avoir rien pu faire pour éviter le drame de la Croix.
L’amertume d’avoir cru dans des promesses qui – à leurs yeux- ne se sont pas accomplies.
La sourde colère, inavouable, de l’avoir vu se laisser faire face à l’adversité qui le conduisait à la mort.
Bref, ils sont stupéfaits et dévastés.
Jésus avait beau leur avoir annoncé à plusieurs reprises qu’il fallait que le Fils de l’Homme souffre et meurt sur la Croix… Rien n’y fait. Ils sont inconsolables.
Pierre le leader décide finalement de se remettre en route, car la vie continue.
Il est très vite suivi par d’autres.
Ils ne désirent pas vraiment pécher, mais juste rester unis pour traverser ensemble.
Peut-être sommes-nous, nous aussi, habités par de tels mouvements intérieurs.
Peut-être par d’autres, aussi.
Parce que Jean Marie occupait une place essentielle pour bon nombre d’entre nous,
Parce que Jean Marie avait initié, soutenu, consolidé, déployé tant de projets,
Parce que Jean Marie aimait cette vie débordante, joyeusement donnée aux jeunes et Christ à la manière de Don Bosco,
Nous ne pouvons pas nous accoutumer à l’idée qu’il se soit laissé emporter par la mer et par la mort. Même si c’est son choix, la mort de Jean Marie reste un mystère, incompréhensible pour nos esprits et nos cœurs de femme et d’homme.
Alors comme les disciples, nous sommes bouleversés par les circonstances inattendues et brutales de son dernier envol.
Et comme ces disciples, nous avons bien besoin d’être ensemble pour nous soutenir et nous réchauffer les uns auprès des autres.
Puisque Jean Marie s’est définitivement retiré, nous sommes invités à le rejoindre autrement et ailleurs.
Je vous propose donc de le retrouver dans sa manière bien à lui de lire l’Evangile… vous savez, avec une saveur d’Emmaüs. Son geste de lecture consiste dans le même mouvement, à se laisser saisir par la parole du Ressuscité pour devenir croyant, et à se laisser saisir par le cri des jeunes pour enraciner son être éducateur.

II.
Dans le texte que nous venons d’entendre, Le Ressuscité vient à la rencontre des disciples, en les appelant « les enfants » (paidia), et en leur demandant s’ils avaient quelques poissons à manger et à partager. A ce moment-là, les disciples sont renvoyés à l’échec de leur nuit.
Mais le Ressuscité ne s’en laisse pas conter. Il leur adresse ensuite cette parole fulgurante : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. »
Et ils se laissent saisir par cette parole.
Ils se laissent saisir par l’appel (« Jetez le filet »), la pédagogie proposée (« à droite de la barque »), et la promesse de fécondité (« et vous trouverez »).
C’est parce qu’ils ont foi en cette parole que le filet jeté, leur filet commun, prend une multitude de poissons ! D’ailleurs, ces derniers sont tous différents les uns des autres. Certains sont en mouvement et pleins de vie. D’autres nagent plus difficilement car ils sont blessés à cause des mailles du filet.
Jean Marie lui aussi s’est laissé saisir par cette parole du Ressuscité. A de nombreuses reprises et dans de multiples eaux, il a jeté le filet. Et force est de constater que la promesse s’est accomplie, dans ses réflexions auprès des politiques, dans la vie institutionnelle, et auprès de jeunes et des familles qu’il a accompagnés.
D’une certaine manière, chacun d’entre nous rend présent un ou plusieurs poissons que son filet a pêchés au fil des années.
Jean Marie aimait tellement cette vie qu’il voulait – toujours et partout – la vivre largement, passionnément, et intensément.

III.
Dans la page d’Evangile entendue, un détail a attiré mon attention. Dans le texte originel grec, deux mots différents sont traduits par le même terme en français « poisson » : ichtus et opsarion.
Le premier – ichtus – y désigne les poissons pris par les disciples, le second – opsarion – y désigner les poissons apportés par Jésus et ceux que les disciples posent sur le feu de braises.
Mais, le mot opsarion n’est utilisé qu’une autre fois dans l’évangile de Jean, lors du récit de la multiplication des pains. Il y désigne les deux poissons que l’adolescent – repéré par l’Apôtre André – partage à Jésus et ses disciples pour nourrir toute la foule (Jn 6, 9).
Ainsi, cela veut dire que le poisson donné par le Ressuscité aux disciples est de la même consistance et porte la même saveur que celui que l’adolescent a offert lors de la multiplication des pains.
Permettez-moi de penser que :
Ce que nous donne à manger le Ressuscité (« Venez manger »),
Ce qui fait reconnaitre la présence du Seigneur à nos côtés (« ils savaient que c’était le Seigneur »),
Ce qui donne sens à notre vie (« Pierre aperçoit, marchant à leur suite, le disciple que Jésus aimait »),
Ce sont ces poissons, fruit de la mission portée ensemble avec et auprès des jeunes qui nous sont confiés.
Ainsi, après l’ascension vers la montagne de l’Extraordinaire, Le Ressuscité invite à redescendre vers la plaine du quotidien ordinaire, autour d’un feu, de quelques pains et quelques poissons.
Comme membres de la Famille Salésienne et du réseau Don Bosco, nous partageons avec Jean-Marie le souci de faire vivre le rêve de Don Bosco et de Marie Do auprès des jeunes et des familles.
Alors restons unis autour de cette mission.
Gardons foi, surtout dans les temps où il fait étrangement nuit.
Ressourçons-nous encore et toujours auprès du Ressuscité, à sa Parole et son pain partagé.
Portons ensemble et quotidiennement la mission éducative et pastorale qu’Il nous confie.

Jean-Marie,
Nos cœurs sont stupéfaits, embués, et habités par milles interrogations
Notre peine est immense.
Tu nous manques déjà.
Nous aimerions retrouver ton regard espiègle.
Nous aimerions réentendre tes paroles fulgurantes sur la foi et l’éducation.
Nous aimerions vivre encore un de tes grands jeux dont tu avais le secret.
Nous aimerions être à tes cotés pour chanter « En vertu » ou « Rêve d’une monde »
Et tant de choses encore…
Mais tu es désormais auprès du Père.
Laisse-toi embrasser par sa miséricorde.
Accueille notre merci.
Un grand MERCI pour les belles choses vécues à tes côtes.
Continue de prier pour nous, pour le réseau et la famille salésienne, et pour notre monde.
Aide chacune et chacun à trouver la paix.
Nous te souhaitons un bon périple vers la Lumière.
P. Emmanuel BESNARD, sdb