Le témoignage de David, lors des funérailles du père Jean-Marie Petitclerc : «Tu es venu à notre rencontre. Tu as cru en nous »
22 novembre 2025
Ce samedi 22 novembre, à l’église Notre-Dame de la Croix, à Paris, ont été célébrées les funérailles du père Jean-Marie Petitclerc, salésien de Don Bosco. Devant environ un millier de personnes, David Viagulasamy, ancien président du Mouvement salésien des Jeunes (MSJ), originaire d’Argenteuil, a pris la parole « au nom de toutes celles et ceux que tu as croisés, écoutés, relevés, inspirés. »

David Viagulasamy, au Campobosco 2025.
« Nous venons d’horizons multiples : des camps scouts, des patronages, des foyers, des quartiers, des rues parfois. Mais tous, nous portons en nous une trace de ton passage.
« Difficiles, impossibles, irrécupérables »
Parmi nous, certains ont grandi dans un environnement propice. Et d’autres, non. Parmi nous, il y a ces jeunes qu’on dit “difficiles”, “impossibles”, “irrécupérables”. Mais tu ne nous as jamais évités. Tu es venu à notre rencontre. Tu as traversé les murs, les peurs, les jugements. Tu nous as reconnus là où tant d’autres avaient renoncé à croire en nous. Tu as cru en nous. Et pour beaucoup, ce fut un premier réveil.
Tu savais que derrière nos colères, il y avait des chagrins. Que derrière notre silence, il y avait une attente. Et que derrière notre défiance, il y avait un immense besoin d’exister.
« Tu nous faisais confiance »
(…) Tu nous faisais confiance. D’emblée. Tu nous as accueillis dans des chantiers éducatifs, ou dans les couloirs d’un centre social, et tu nous donnais la responsabilité de repeindre un local, de préparer une sortie pour des plus jeunes. Là où d’autres auraient contrôlé, tu nous faisais devenir responsables. Et certains d’entre nous n’avaient jamais terminé quoi que ce soit avant cela.
(…) Nous venions des quartiers, parfois blessés, souvent méfiants. Mais tu étais là. Tu nous accueillais avec cette bienveillance ferme, ce respect sans naïveté. Tu nous disais, par ton attention et ta présence : “Tu comptes. Tu as de la valeur. Tu peux choisir autre chose. Jean-Marie, tu ne nous as pas changés par des discours. Tu nous as accompagnés par ta manière d’être là. Présent. Sincère. Attentif. Engagé. Et pour tout cela, nous voulions te le dire ensemble, simplement : Tu as compté. Et tu comptes encore. »

David, avec le père Jean-Marie Petitclerc, l’été dernier.
Jean-Marie,
Comme beaucoup d’autres, notre rencontre a été un tournant. C’était il y a près de 25 ans, fin juin. J’avais 16 ans, assis sur un banc de la cour de récréation de mon collège, à Argenteuil. Tu étais venu rendre visite aux professeurs et tu m’as aperçu. Tu m’as reconnu et interpellé simplement : « Tiens David, comment vas-tu ? Qu’est-ce que tu fais cet été ? » J’ai répondu que je ne partais pas. Comme chaque année.
« Une première confiance »
Tu m’as parlé d’un séjour dans le sud, un camp scout pour surveiller les feux de forêt, vivre dans la nature, rencontrer d’autres jeunes, prendre une responsabilité. J’ai dit oui, presque par curiosité, sans savoir que ce « oui » allait tout changer. Ce jour-là, tu m’as offert une porte d’entrée vers une autre réalité. Une première confiance. Et c’est ainsi que tout a commencé.
Ce camp a été ma porte d’entrée dans un chemin d’engagement. J’ai animé, accompagné, coordonné, osé. Et dans chaque pas, je repensais à cette première impulsion. Pas seulement à ce que tu avais fait, mais à qui tu étais.
« A mon tour de transmettre »
Des années plus tard, j’ai vu à mon tour ce que cela produit de faire confiance à un jeune. De lui dire “tu peux”, même s’il doute. De lui dire “viens”, même s’il n’a encore rien prouvé. Et c’est à mon tour, maintenant, de transmettre ce que j’ai reçu.
Ton passage dans ma vie n’a pas tout changé. Mais il a tout déclenché. Merci pour cette confiance posée sans condition. Elle est devenue pour moi une manière d’être au monde.
« Tu nous laisses un héritage vivant »
Tu ne nous quittes pas vraiment. Parce que dans chaque jeune à qui nous faisons confiance, dans chaque projet où l’on ose croire en l’avenir, dans chaque sourire redonné à quelqu’un qui se croyait oublié, tu résonnes en nous. Tu nous laisses un héritage vivant. Pas une mémoire figée. Alors, même si nos voix sont empreintes de tristesse, nous voulons les lever, ensemble, avec gratitude et force : Merci Jean-Marie. Va en paix. Et veille sur ceux qui aujourd’hui cherchent encore quelqu’un pour leur dire : « Tu peux. Tu comptes. Tu as de la valeur. Tu n’es pas seul. »
David VIAGULASAMY