En tenue de service

Un grand père, veuf depuis quelques mois, réunissait, au début de l’été, tous ses petits enfants dans la maison de famille. Ancien scout, il organisa pour eux une chasse au trésor dans le domaine. Après moult péripéties, les enfants tombèrent sur un coffre, qu’ils réussirent à ouvrir grâce au code découvert durant le jeu. Et, ô surprise, se trouvaient à l’intérieur des petits cœurs découpés dans du papier, sur chacun desquels était inscrit leur prénom. Et le grand père de conclure le jeu en leur disant : « C’est vous mes trésors ! »

Durant ce temps de vacances, qui permet une prise de recul, voici que Jésus vient poser à chacun d’entre nous la question : « Qu’est-ce qui est le plus important dans ta vie ? L’argent ? Le pouvoir ? La reconnaissance ? Tes amis ? Ta famille ? Le Christ ? » Car il sait que toutes nos inclinations, tout le sens de nos actions, vont dépendre de notre réponse. « Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur. »

Oui, la question est posée à chacun : « Qu’attends-tu vraiment ? Sur quoi fondes-tu ton espérance ? » Mais il est deux manières d’attendre. Soit à la façon dont on attend un train sur le quai d’une gare. On sait exactement à quelle heure il arrive, à quelle heure il part : c’est une attente vide. Soit à la façon dont on attend un ami, et on guette alors chaque crissement de graviers. C’est une attente déjà remplie de la présence de celui qui vient. Le disciple du Christ, c’est un veilleur, un veilleur qui sait attendre. À l’heure où la culture du numérique fait l’apologie du « tout, tout de suite », voici que l’évangile réhabilite le temps de l’attente. Ainsi, le temps devient un ami.

Comment veiller ? « En restant en tenue de service » nous dit Jésus. Car aimer comme Jésus, c’est se mettre au service de ceux qu’on aime. La posture du chrétien est celle du serviteur. L’homme politique chrétien est au service, non pas de son ambition personnelle, mais de ses concitoyens; l’éducateur chrétien est au service, non pas de son projet, mais des jeunes qu’il accompagne ; le prêtre est au service de la communauté. Rappelons que le mot ministère signifie service.

Voici quinze jours, je naviguais, comme chaque été, avec un équipage d’adolescents sur un voilier affrété par l’association Diamond, dont l’objet est de faire découvrir la mer comme école de la vie. J’observais un jeune garçon à qui je venais de confier la barre. Il était aux aguets, veillant à ne pas heurter une bouée signifiant la présence d’une nasse de pêcheur. Il était conscient de la responsabilité qui était sienne vis-à-vis de ses camarades, qui, insouciants, jouaient dans le carré. Magnifique illustration du rôle du veilleur qui se fait serviteur !

Ma foi me tient-elle en éveil ? Telle est la question posée aujourd’hui à chacun d’entre nous, comme elle se posait hier à Abraham, à Sara, nous rappelle Paul dans la lettre aux Hébreux.

Il s’agit de se tenir prêt pour la rencontre avec Dieu à l’heure où ne s’y attend pas. Car Dieu n’a pas d’heure. Quand on connaît l’heure, on a tendance à attendre l’heure, au lieu d’attendre celui qui doit venir. Celui qui constamment regarde l’heure, à l’image de l’écolier au regard rivé sur la pendule, n’est pas à ce qu’il fait. En nous révélant Celui qui n’a pas d’heure, Jésus nous révèle Dieu comme Celui qui est présent.
Et ce qui est étonnant dans cette histoire que nous raconte Jésus, c’est que le retour du maitre conduit à un retournement bouleversant : c’est lui qui revêt la tenue de service et se met au service des tables. Formidable leçon donnée à ceux qui veulent se faire grands : la grandeur chez le chrétien a pour nom « service ».

Alors, au cœur de cet été, puissions-nous revêtir notre tenue de service à l’égard de toutes celles et ceux que nous allons rencontrer, en guettant la présence de Dieu sur la route de ces rencontres ! Amen !

Père Jean-Marie Petitclerc
Salésien de Don Bosco
Homélie du dimanche 10 août 2025
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (12, 32-48)
Messe télévisée du Jour du Seigneur
Enregistrée sur la place du port du Crouesty (Arzon)