9 novembre 1875, Nice : découvrez l’histoire de l’arrivée de Jean Bosco arrive en France, il y a 150 ans
15 novembre 2025
Le 9 novembre 1875, quatre salésiens, Joseph Ronchail, Enrico Guelfi, Filippo Capellaro et Jean-Baptiste Perret, arrivent à Nice et s’installent dans une ancienne filature de la rue Victor. C’est Jean Bosco lui-même, sollicité par les responsables de la Conférence Saint-Vincent-de-Paul, qui a décidé de les envoyer. Alors que le 11e successeur de Don Bosco, Don Fabio Attard, est à Nice ces 15 et 16 novembre, retour sur la première implantation hors d’Italie de la congrégation fondée par le prêtre de Turin.
Don Bosco a pris très à cœur la fondation de la maison de Nice, y accordant une importance particulière. Il avait déjà fondé une série d’œuvres en Italie, mais il s’agissait cette fois d’un pays étranger… Pas si étranger que cela, à dire vrai, puisque Nice Maritime faisait partie du royaume du Piémont et n’était devenue française que depuis une quinzaine d’années, cadeau du ministre Cavour à Napoléon III pour le remercier de son aide contre l’Autriche.
Mesures anticléricales
Cette circonstance obligeait à quelques précautions, d’abord parce que tous les Niçois n’étaient pas enchantés de ce rattachement à la France, il y avait des « séparatistes », y compris dans le clergé. Et aussi parce que les gouvernements de la Troisième République adoptaient des mesures nettement anticléricales, qui iront jusqu’à l’expulsion des congrégations religieuses, à commencer par les ordres enseignants. Don Bosco était conscient qu’il devait aborder les choses avec prudence et présenter ses œuvres dans le contexte d’une laïcité agressive. Il fondait sa légitimité sur le fait que les salésiens s’étaient rendus en France à la demande des Français pour s’occuper des jeunes abandonnés.
Mais pourquoi Don Bosco tenait-il à fonder à Nice, et à en faire le lieu de la pénétration de ses idées et de sa pédagogie ? La France avait un grand prestige en Italie. Elle représentait la culture universelle pour une Europe encore fort morcelée, et lui, qui avait beaucoup lu, voulait faire aimer la culture aux jeunes. Par ailleurs, il démontrait ainsi qu’il adoptait la culture du pays. Nice, ville où l’on parlait le français et l’italien lui paraissait favorable pour ses salésiens qui ne connaissaient pas la langue.
Un avocat, Ernest Michel, l’appelle
Dans un premier temps, il resta dans l’ombre et mit en avant les acteurs français de la fondation. L’évêque d’abord, Mgr Pietro Sola, qui appréciait beaucoup Don Bosco. Quoique natif de Carmagnola, au pays de Don Bosco et formé à Turin, il représentait l’Église de France ; la maison de Nice reçut le nom de « Patronage Saint-Pierre » en son honneur. La conférence de Saint-Vincent de Paul, ensuite, qui rassemblait l’aristocratie chrétienne et charitable de la ville, avec l’avocat Ernest Michel, son président très actif dans le domaine social. Cette conférence avait envisagé depuis 1853, plus de 20 ans donc, la création d’une œuvre « patronage » pour accueillir les enfants miséreux de la ville et de la campagne. Le Comté de Nice était en effet très pauvre, les indigents étaient nombreux. Mais on ne trouvait pas les personnes et les finances nécessaires. Jusqu’au moment où Don Bosco accepta d’y envoyer des hommes en promettant que les dons suivraient.
Une première concrétisation du « patronage des apprentis » eut lieu par un homme généreux secondé par un jeune séminariste, mais l’expérience ne dura qu’un an, d’octobre 1874 à octobre 1875. C’est alors seulement que Don Bosco entra en scène, de manière résolue, en décembre 1874. Ses noviciats ne manquaient pas de jeunes salésiens entreprenants, et il s’était déjà approché de Nice par des fondations sur la côte de Ligurie, notamment à Sampierdarena. L’avocat Michel lui ayant fait remarquer que les caisses étaient presque vides, Don Bosco eut cette réponse superbe : « Dans les œuvres de Dieu, il faut seulement regarder si elles sont nécessaires ou non. Si elles ne sont pas nécessaires, il ne faut pas s’en occuper ; mais si elles sont nécessaires, il faut les faire sans crainte, les moyens matériels sont le surplus que Dieu a promis et il tient promesse. »
Une ancienne filature
Les premiers salésiens arrivés à Nice en novembre 1875 s’installèrent dans une ancienne filature. Dès le 28 novembre, Mgr Sola célébra une messe d’ouverture. Don Bosco n’y était pas, il laissait toute la place à l’évêque et aux Français.

La ville Gauthier, à l’époque de Don Bosco.
Les locaux de la filature s’avérèrent tout de suite nettement insuffisants. Don Bosco, pourtant sans le sou, s’engagea audacieusement dans l’achat de la villa Gauthier, qui offrait de l’espace pour les machines des apprentis et un jardin où les jeunes garçons pouvaient se donner du mouvement. Il trouva aussitôt des bienfaiteurs qui lui apportèrent la somme voulue, et le patronage investit la villa en 1876.
Signe de l’importance donnée par Don Bosco à cette fondation niçoise, le choix de l’abbé Joseph Ronchail, un de ses jeunes sur lesquels il comptait le plus, en qui il voyait quelqu’un de solide, comme directeur de la communauté et de l’œuvre. Il venait de la vallée de Laux-Sestrière, où l’on parlait français. Il avait également pensé à Giovanni Cagliero mais, en fin de compte, celui-ci dirigea la première expédition missionnaire en Argentine.
Jean-François MEURS