Maria Troncatti, Mère missionnaire, artisane de paix et de réconciliation, sera canonisée le 19 octobre
14 juin 2025

C’est une grande joie pour toute la Famille salésienne : ce vendredi 13 juin, au consistoire présidé par le pape Léon XIV, a été annoncée la canonisation de la bienheureuse sœur Maria Troncatti. Elle aura lieu le 19 octobre à Rome, avec six autres saints. Qui est cette deuxième sainte de l’Institut des Filles de Marie Auxiliatrice (les sœurs salésiennes de Don Bosco), qui sera canonisée 74 ans après sainte Marie-Dominique Mazzarello, cofondatrice de l’Institut ?
Dès l’enfance, Maria Troncatti rêve d’être missionnaire. Dans son village de la province de Brescia, dans le nord de l’Italie, les sœurs salésiennes ne sont pas présentes, mais elle fait connaissance avec elles par l’intermédiaire du Bulletin salésien, revue fondée par Don Bosco, à laquelle est abonnée la maîtresse d’école. Fascinée par les nouvelles qui arrivaient des missions, elle souhaite à son tour partir au loin, contre l’avis de ses proches. À sa sœur qui lui conseillait de rester au village pour y faire du bien, elle répond : « Toi, tu peux rester ici. Moi non, je dois partir. »
À sa majorité, déterminée, elle demande pour entrer dans l’Institut des Filles de Marie-Auxiliatrice, et traverse durant sa période de formation des moments de doute et des problèmes de santé. Elle peut toutefois prononcer ses vœux temporaires le 17 septembre 1908, et les définitifs six ans plus tard, à la veille de la Grande Guerre. À chaque étape, Maria écrit sa demande missionnaire.
Infirmière
Durant la guerre, elle se forme comme infirmière et s’occupe des blessés venant du front, puis, une fois la guerre terminée, elle soigne les sœurs et les jeunes de la maison de Nizza Montferrato. C’est dans ce cadre que son rêve missionnaire se concrétise de manière singulière : en mars 1922, une jeune est à l’agonie à l’infirmerie. Consciente de son état, sœur Maria lui dit : « Marina, dès que tu verras la Vierge Marie, dis-lui qu’elle m’obtienne de Jésus la grâce d’être missionnaire chez les lépreux ». « Non, sœur Maria, vous, vous serez missionnaire en Équateur ». « Non, Marina, je ne me suis pas bien expliquée : chez les lépreux ». « Non, vous, vous irez en Équateur ». Quelques jours après le décès de la jeune, Maria rencontre la Mère générale Catherine Daghero, qui lui annonce qu’elle partira en Équateur…
Elle guérit la fille du chef de la tribu shuar
En novembre, le périple commence : son voyage en train, en bateau, de nouveau train, puis à cheval dure trois mois pour arriver à Chunchi, où les sœurs ont ouvert une école dix ans plus tôt. Elle y reste trois ans, soignant les plus pauvres, avant de se remettre en route avec une caravane de missionnaires et de braver les dangers de la forêt et l’hostilité des peuples locaux. Maria obtient le laissez-passer en soignant la fille du chef de la tribu shuar, touchée par une balle quatre jours auparavant. La menace planait sur leur tête : « Si tu ne la guéris pas, tu ne passes pas et nous vous tuerons tous. » La réussite de l’opération leur permet d’obtenir « pour toujours passage libre pour elle et pour tous ceux qui sont avec elles » et d’arriver à bon port à Macas, escortés par les Shuars eux-mêmes.

Lors de sa béatification en 2012, à Macas (Équateur).
C’est le début de 43 ans au cœur de la forêt, en choisissant de ne pas retourner en Italie : « Quand on se donne une fois, c’est pour toujours », répondait-elle aux personnes qui lui demandaient de revenir. Sœur Maria s’occupe des orphelins, soigne les malades, éduque le peuple shuar, prépare les jeunes au mariage. Elle apprend aux jeunes filles à coudre, à cuisiner, à s’occuper des vaches… Elle veille aussi à former des catéchistes indigènes et des infirmières pour que chaque centre missionnaire ait son infirmière. De « sorcière », elle devient rapidement « Madrecita buena, bonne mère », et, au fil du temps, les villages de la forêt deviennent chrétiens.
Accident d’avion
Progressivement, le peuple Shuar prend conscience de ses droits, ce qui ne plaît pas aux colons. Des tensions naissent et, la nuit du 4 au 5 juillet 1969, le siège de la Fédération Shuare à Sucua devient la proie des flammes. On ne déplore pas de victimes, mais les Shuars décident de se venger. Sœur Maria réagit : « Nous vous avons appris à aimer et à pardonner les offenses. Si vous m’aimez vraiment, déposez vos armes à mes pieds. » Ils lui obéissent. Elle souffre de cette situation et offre sa vie pour que la paix revienne. Elle a conscience que ses jours sont comptés : le 5 août, elle affirme à sœur Pierina : « Marie, la très Pure, m’a dit de me préparer, car très vite il m’arrivera quelque chose de grave. » Le 25 août suivant, elle prend l’avion qui doit la conduire, avec deux jeunes sœurs, à la retraite spirituelle, mais quelques minutes après le décollage, l’avion s’écrase. Il n’y a qu’une victime : sœur Maria. L’offrande de sa vie est acceptée. Tout le peuple shuar pleure la Madrecita buena, qui leur envoie, comme signe sur la route du cimetière – et jusqu’à la fin de la sépulture –, un arc-en-ciel.
Céline BAUMET
(d’après Maria Vanda PENNA, Maria Troncatti, Fille de Marie Auxiliatrice, Salésienne de Don Bosco. « Donner sa vie par amour », Gorle, Velar, 2012)