De Agostini (1883-1960), salésien aventurier du bout du monde

24 avril 2013

De Agostini (1883-1960), salésien aventurier du bout du monde

Vous connaissez l’émission Ushuaia qui emmène les amateurs dans les terres les plus lointaines. Mais savez-vous que dans cette région le Père Salésien Alberto Maria De Agostini : missionnaire, géographe, cartographe, explorateur, alpiniste, photographe, ethnologue, écrivain… s’est illustré de manière plus marquante encore.

 

 

Alberto Maria est néen 1883 à Pollone dans le Piémont. Alberto aime la nature plus que l’école. Membre d’un club d’alpinistes, il aime gravir le Cervin et le photographier sous tous les éclairages. Il a la montagne dans le sang et un sens très vif de l’aventure. Photographe, il aime fixer la vie des paysans et les coutumes de sa région, avec un sens du cadrage qui lui servira plus tard. Devenu salésien, il est envoyé en 1910 en Patagonie.

 

 

Premières impressions sur l’autre bout du monde

Tout de suite il est conquis par ces terres sauvages : « J’avais soudain l’impression d’être tombé dans un autre monde, terriblement fantastique. Je croyais rêver. Les sommets pointus, les énormes murs qui tombaient à pic sur notre tête, avaient pris, sous la lumière argentée de la lune, un aspect vague, immatériel, de spectres blafards, rigides de froid. Resté sous l’empreinte oppressante d’un enchantement magique dont le pouvoir me pénétrait irrésistiblement, dans la tête, dans l’esprit, je ressentais un sentiment de peur et d’effroi dont j’essayais en vain de me libérer. »Il va devenir le dernier grand explorateur de la Patagonie. Il découvre des lieux inconnus, des baies, des montagnes dont il est le premier à faire l’ascension, comme le Mont Olivia, près d’Ushuaia, en 1913. Il échoue trois fois face au Sarmiento, mais dirige l’expédition quien vint à bouten 1956. Un parc et divers lieux géographiques recevront son nom. Il cartographie avec une précision scientifique des régions entières qu’il est le premier européen à parcourir, en particulier après 1946,les côtes de la Terre de feu entre le 52° et le 56° parallèle.

De Agostini est le premier européen à parcourir ces régions

De Agostini ne veut pas garder pour lui les découvertes qu’il a faites. Il a un grand sens de l’observation. Ses recherches le passionnent. Il écrit avecun enthousiasme lyrique. Il aime cette terre de feu et la décrit avec poésie et des accents enflammés. Il brosse sa première rencontre avec le Sarmiento : « Se dessina quelques instants dans un profil gigantesque, la pyramide du Sarmiento, enveloppé dans la pénombre mystérieuse au point de ressembler à un spectre blanc apparu là comme par enchantement pour terrifier le spectateur. Il avait un aspect si réel de mystérieuse grandeur qu’on pouvait le croire sous l’enchantement d’une puissance supérieure, un séjour de fées ou de sorcières… » Il écrit des ouvrages sur ses expéditions. On en a recensé vingt-deux en italien, allemand, espagnol. Il compose des guides touristiquessur le détroit de Magellan et les canaux de la Terre de Feu (1924), sur la partie Argentine de la Terre de feu, sur le parc El Lanin (1941), sur un voyage dans la Cordillère des Andes australes (1949), Trente ans dans la Terre de Feu (1955), etc. Lors de séjours en famille, il projette les films qu’il a réalisés dans les sociétés de géographie dont il fait partie.

« Pour connaitre l’attrait de ces vies nomades et primitives… »

Dès le début il prend contact avec les indigènes, grâce à un métis qui lui sert d’interprète. Il comprend très vite que leur monde et leur culture sont perdus. Il écoute, note, photographie, filme les indiens dans leur environnement, dans leur vie quotidienne. Ils sont encore cinq mille à dix mille quand il les rencontre. Ils vivent de chasse et de pêche sur un territoire très vaste, s’habillent de peau de guanaco.

L’état vend les terres des indiens aux colons avec leurs immenses troupeaux de moutons. Tout l’écosystème est détruit. Les animaux que chassaient les indiens sont exterminés. N’ayant plus rien pour vivre, les indiens s’attaquent aux moutons. Alors les éleveurs massacrent les indiens, avec l’aide des chercheurs d’or, des chasseurs de baleines et des militaires. Les épidémies transmises par les européens et l’alcoolisme firent le reste. Plusieurs indigènes furent exhibés dans les expositions coloniales. De Agostini constate : «Pour connaître intimement l’attrait de cette vie nomade et primitive, il faut être enfermé dans la solitude de ces vallées, avoir exploré ces mystérieuses forêts où, caché à la vue profane des civilisés, ce qui reste de cette racene demande qu’à ne pas être importuné dans leur lente agonie. Ainsi furent mes impressions lorsque j’ai eu l’occasion de m’entretenir et de vivre avec ces indigènes. »

Ils sont sous la « loi indigène » et n’ont pas le droit de parler leur langue, de garder leur culture ni de la transmettre. Ils peuvent seulement aller à l’école et sont considérés comme des citoyens de seconde zone. Un certain nombre sont recueillis par les salésiens. Ils y sont catéchisés, et reçoivent une formation à divers métiers. Alberto Maria leur consacre les dernières années de sa vie, avec Mgr Fagnano.

Maintenant la région est devenue une terre d’immigration, avec des ressources en pétrole, en gaz, en matières premières. De Agostini est revenu mourir en Italie, à Turin le 25 décembre 1960.

 

Jean-Pierre MONNIER
2 mai 2013

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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