Liège – Philippe Van Meerbeeck : Comment vivre sans croire ?

22 mai 2015

Liège – Philippe Van Meerbeeck : Comment vivre sans croire ?

Le 7 mai dernier, la paroisse Saint-François-de-Sales de Liège accueillait le neuropsychiatre et psychanalyste Philippe Van Meerbeeck, dans le cadre du cycle de conférences organisé à l’occasion de l’année du bicentenaire. Invité à s’exprimer sur le thème du jeune et de sa « quête d’idéal », le fondateur du Département pour adolescents et jeunes adultes du Centre Chapelle-aux-Champs de Woluwe a notamment rappelé à l’assistance l’impossibilité humaine de « vivre sans croire ».

 

« Chez tous les humains, la question de Dieu est éminemment inconsciente, et l’envie de croire : présente et agissante. Dès lors, comment vivre sans convictions, sans croire en rien, sans croire en soi et en l’autre ? Impossible… »

 

S’inspirant du philosophe Michel Serres, qui réclame une nouvelle « philosophie de l’histoire » susceptible de donner un sens au passé (et, à travers lui, au présent), P. Van Meerbeeck rappelle la grille de lecture historienne du moine cistercien Joachim de Flore. Au XIIe siècle, celui-ci avait fragmenté l’Histoire en trois temps : « le temps du Père, le temps du Fils et le temps de l’Esprit ». Une grille efficiente pour décomposer le temps de l’adolescence.

 

Les trois temps de l’adolescence

« Le temps du Père apparaît entre 12 et 15 ans, quand l’adolescent découvre son corps. Un corps capable de donner la vie. Dans les peuplades reculées, les rites initiatiques et la séparation des filles et des garçons permettent aux jeunes de vivre sereinement le passage de l’enfance à l’âge adulte ». Or, d’après P. Van Meerbeeck, un tel passage « manque cruellement à nos jeunes d’aujourd’hui, qui font face à un vide absolu à ce moment de leur vie. »

 

Le rôle du père, à cet instant, est essentiel pour séparer l’enfant de sa mère et l’aider à grandir. Si le père naturel ne prend pas la place qui lui est dévolue, le jeune lui cherchera des « pères de substitution », notamment sur le net, mais ceux-ci occuperont cette place de manière « abusive, perverse. Par un excès de réponse pseudo-spirituelle (en ayant des réponses absolues à tout), ils empêcheront toute évolution ultérieure du jeune vers les deux autres temps ».

 

« C’est souvent lors de cette étape que le jeune est attiré par des mouvements comme Daech, précise P. Van Meerbeeck. Ce dernier se présente au jeune avec trois formules chocs :

  • Sacrifie-toi à nos côtés : tu défendras une cause juste ;
  • Tu vis dans un monde impur peuplé de mécréants : la vérité est ici ;
  • (aux filles) Viens fonder une famille avec un héros. Viens aider les enfants syriens.

Tout cela fait sens pour un jeune dans un monde aussi absurde ! C’est ainsi que l’on fait de lui une machine à tuer et de la poudre à canon ! »

 

Le temps du Fils intervient entre 14 /15 ans et 17 ans. Pendant cette phase, l’adolescent découvre qu’il est « l’égal du père, ce qui l’amène à avancer dans la vie et à se construire ses propres convictions ».

 

Le temps de l’Esprit (de 18 à 25 ans), enfin, « encourage la concrétisation et la mise en pratique de l’idéal que l’on s’est construit. »

 

L’image « séduisante » de Jésus pour les jeunes d’aujourd’hui

« Comment faire la vérité avec nos jeunes ? », interroge P. Van Meerbeeck. Citant A. Malraux, il lui apparaît nécessaire de « réintégrer les démons dans l’homme, pour réintroduire les dieux et éclairer la voie qui arrache l’homme à la bête ».

 

« Notre rôle à nous, parents, éducateurs… est de reparler de l’Histoire avec les jeunes. De faire la vérité sur les aspects sombres de l’Histoire de l’Eglise, sur les croisades et les humiliations vécues par l’Islam dans le passé. De dépoussiérer, enfin, les différentes croyances et institutions ».

 

Dans cette optique, Jésus apparaît comme « un jeune de trente ans, entouré de compagnons et venu apporter le chahut dans un monde religieux conformiste. Il abolit toute idée de sacrifice humain, et nous montre par sa vie que le divin est d’abord dans l’homme, dans l’idée de l’amour, dans la puissance du désir, de l’amitié, de la pulsion amoureuse, de la rencontre avec l’autre ». En cela, son image est séduisante pour les jeunes d’aujourd’hui.

 

Et P. Van Meerbeeck de conclure : « C’est dans l’expérience de la rencontre que l’on découvre le transcendant. »

 

 

Paroisse Saint-François-de-Sales

Repris par Rémi Favresse

21 mai 2015

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