Soeur Michèle Decoster sur RCF : « La véritable gouvernance se fait à travers l’écoute »

Chaque mercredi matin, RCF diffuse sur ses ondes nationales la chronique des Salésiens. Cette semaine, soeur Michèle Decoster, salésienne de Don Bosco, formatrice dans le service formation Don Bosco, nous propose : « La véritable gouvernance se fait à travers l’écoute »

L’actualité nous montre des figures de gouvernance extrêmement dures : l’annexion de 4 régions ukrainiennes à la Russie sur fond de menace nucléaire, les interdits imposés aux femmes en Iran. Nous pourrions citer beaucoup d’autres pays où le pouvoir en place use de la force pour tout garder en main. Paradoxalement, le Pape François suscite la recherche d’une politique économique, sociale et écologique plus juste, plus inclusive, à long terme. Interpellés par son message, de jeunes économistes et entrepreneurs veulent agir en profondeur pour changer le système actuel. Ils réfléchissent entre autres à la figure du manager.

Quelle évolution du manager voyez-vous actuellement ?
Aujourd’hui, la véritable compétence d’un manager n’est pas d’être la locomotive qui décide tout à la place des autres et qui tire bon gré mal gré une équipe derrière lui. Le manager est plutôt celui qui accompagne ses collaborateurs à discerner une bonne décision et à la réaliser de façon collective, responsable.

Comment former les dirigeants de demain au travail collaboratif et à la solidarité ?
Pour répondre à cette question, je voudrais faire un détour par l’histoire.
Un spécialiste de la pédagogie de Don Bosco, Don Pietro Braido, a identifié plusieurs sources d’inspiration à propos du système préventif. Il cite entre autres l’ouvrage d’un jésuite, Etienne Binet, condisciple de St François de Sales. L’ouvrage, paru en 1636 et adressé à des responsables d’instituts religieux, s’intitule : « Quel est le meilleur gouvernement ? Le rigoureux ou le doux ? »
L’auteur présente des opinions contraires : pour certains, le gouvernement doit être rigoureux et immédiatement efficace. D’autres soutiennent qu’un gouvernement est plus valable s’il est doux, cordial et plein de tendresse. D’autres encore estiment qu’il faut conjuguer ces deux extrêmes. Pour Etienne Binet, la suprématie de la bonté est évidente.
Il trace alors deux portraits contrastés : les caractéristiques de qui gouverne avec rigueur, ensuite de qui gouverne avec douceur.
Dans le premier cas, le rigoureux présente une parole rude, trop rapide. Le visage et le port de la personne font ressentir quelque chose d’arrogant. Le rigoureux donne des réponses négatives presque sans écouter la demande et renvoie brusquement l’interlocuteur. Il refuse ce qu’il faut refuser, mais sur un ton d’aigreur et de dureté.
Inversement, le gouvernement doux use de bonté pour gagner les cœurs. Il supporte les défauts des autres et domine sa colère. Il attend que le feu soit éteint avant de reprendre le dialogue. Et il le fait de façon à ce que chacun reparte gagnant. Cela réclame une force d’âme désintéressée, très peu d’amour-propre. « Fais-toi aimer plutôt que de te faire craindre » conseille l’auteur du 17ème siècle.

Pour revenir à aujourd’hui, quel modèle de gouvernance proposer à nos jeunes ?
Au quotidien, la véritable gouvernance se fait à travers l’écoute, la bienveillance, l’authenticité, la garantie du cadre de droit, la capacité à communiquer et à pardonner, l’attention à ce que chacun se sente bien à son poste. Cela signifie faire grandir des personnalités humainement matures et réalisées.
Les jeunes ont besoin d’être gouvernés par des personnes conscientes des transitions à vivre, avec foi et des horizons larges, des personnes capables de prononcer des paroles qui soient soutenues par une transformation de leur propre vie.
En termes chrétiens, ces attitudes, pour devenir authentiques et efficaces, devraient être le fruit d’une identification personnelle avec le Christ.

Sr Michèle Decoster

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