Au Mexique, face à la pauvreté et aux violences, les Salésiens de Don Bosco tendent la main aux jeunes et aux familles

23 février 2022

Au Mexique, face à la pauvreté et aux violences, les Salésiens de Don Bosco tendent la main aux jeunes et aux familles

Drogue, corruption, violence, pauvreté : les salésiens de Don Bosco de la province de Guadalajara font partie des principaux acteurs qui luttent contre les maux dont souffre le Mexique. Notamment à travers les communautés de Ciudad Juarez, Los Mochis et Tlaquepaque.

 

La journaliste mexicaine Anabel Hernandez fait un tableau impitoyable : « Le Mexique est dévasté. La profonde culture de l’illégalité et de la corruption est en train de détruire ce que le pays a de plus précieux, les familles, leurs traditions, les entreprises légales qui assurent un travail sûr, la sécurité dans la rue et à l’école, la sauvegarde des ressources naturelles et des êtres vivant, l’intégrité de l’Etat et de ses institutions. La corruption a pourri tous les domaines de la vie quotidienne : le gouvernement, l’industrie, le commerce, la culture, le sport, le monde du spectacle. La société a toléré et s’est résignée au fait ; elle s’est forgée des maximes indignes du genre : « pas de progrès sans corruption ! ». Au Mexique, le coût de la corruption se mesure en milliers de victimes de la guerre des narcotrafiquants, en milliers de disparus, en centaines de milliers de personnes déplacées qui ont du abandonner leur maison et s’arracher à leurs racines, et nous sommes des millions à être otages ou rançonnés. La peur fait partie de notre quotidien, elle nous paralyse ou nous oblige à agir. Alors, puisqu’il n’est pas possible actuellement au Mexique de ne pas avoir peur, faisons de cette peur une vraie force de changement. Diffusons à partir de nos familles une culture de la légalité et de la justice. Ne devenons pas indifférents comme l’ont été nos gouvernants devant la douleur et le malheur du plus grand nombre. Ne détournons pas notre regard … »

 

Le réfectoire salésien, Mexique

Le réfectoire salésien, Mexique

Regardant les choses en face, les salésiens de la province de Guadalajara sont entrés dans la bataille, soutenus par la Fondation « Don Bosco nel Mondo ». Ils sont parmi les principaux acteurs qui apportent une réponse efficace et réaliste aux situations d’émergence, de violence et de pauvreté. Trois communautés sont engagées, à Ciudad Juarez, Los Mochis et Tlaquepaque.

 

L’oeuvre de Ciudad Juarez comprend trois grands centres de jeunes, ouverts 24h sur 24, pour apporter des réponses aux filles et aux garçons, adolescents et jeunes, en situation de risque. On y accorde une grande place aux activités sportives, aux ateliers culturels, aux activités artistiques et récréatives, aux espaces d’accueil. L’expérience et la capacité de gestion de la communauté permettent des interventions qui sont devenues une référence.

La ville de Los Mochis est située dans l’Etat de Sinaloa, dominé par un des plus puissants et des plus violents cartels du pays. Les salésiens y animent deux oratoires très fréquentés, et un « oratoire de rue ».

Tlaquepaque est le fief d’un des plus dangereux cartels de la drogue, qui recrute des milliers de mineurs chaque année. Dans cette situation de risque extrême, la communauté salésienne mène des actions pastorales pour protéger les jeunes en situation de misère et de vulnérabilité.

 

Sortir les jeunes de la prison

Le Mexique ne dispose pas de programmes de réinsertion sociale des mineurs. Un des plus grands défis que le pays doit affronter vient du fait que beaucoup d’adolescents qui se trouvent dans des centres de détention sont relâchés après une révision des mesures de privation de leur liberté. Depuis quelques années, ils sont nombreux à être libérés, mais sans moyens ni programmes de soutien pour leur réinsertion sociale. Ils ont alors tendance à commettre de nouveaux actes criminels. C’est là que le projet « Mesures Socioéducatives en Milieu Ouvert » joue un rôle fondamental, non seulement pour les garçons qui purgent leur peine en détention, mais aussi pour ceux qui sortent et qui sont à la recherche d’une réhabilitation et d’une existence respectueuse de la loi. Leur difficulté est double, le manque d’opportunités et la stigmatisation comme ex détenus. Le programme d’action des salésiens est large : offrir un accompagnement et un lieu favorable à leur développement intégral. Il s’agit de leur fournir un soutien moral, d’améliorer leur santé psychique et physique, de renforcer leur sociabilité, de leur donner un métier, de leur fournir les moyens pratiques pour leur réinsertion.

Ils sont 300  bénéficiaires, 100 par communauté, âgés de 14 à 20 ans. Ils ont été désignés avec l’aide la l’organisation mexicaine « Documenta » qui travaille à l’intérieur des prisons. La toute grande majorité provient des quartiers marginaux où la violence quotidienne est systématique et banalisée. Parmi eux, il y a également des mineurs non accompagnés pour lesquels il est impossible de retracer l’identité et qui, dans des conditions d’extrême dénuement, sont mis en danger de commettre des délits. Ces enfants sont recrutés par la criminalité organisée à partir de l’âge de neuf ans environ. Ils sont forcés de commettre des crimes et entrent dans le collimateur judiciaire à l’âge de 16 ans. C’est parmi eux qu’on trouve le taux de mortalité le plus élevé, il en meurt quatre au moins chaque jour.

 

Une équipe pour casser le cycle de la violence

L’esprit du projet de rencontre de ces enfants et de ces jeunes demande d’abandonner toute forme de préjugé, de bien identifier les diverses situations de vulnérabilité, et de les rendre acteurs dans le processus de changement. On peut observer que, grâce au suivi, beaucoup de garçons ont interrompu les cycles de violence dans lesquels ils ont été aspirés, consciemment ou inconsciemment, devenant eux-mêmes agents de maintien de la paix dans leur territoire.

La condition essentielle pour que ce processus de transformation se réalise, est de rendre efficace la liberté assistée. Elle permet à l’adolescent de diminuer sa peine dans une ambiance ouverte, en collaboration avec la famille, sous le contrôle des autorités compétentes, des éducateurs de la structure de prise en charge et de la communauté.

Les premières étapes spécifiques du projet sont : la prise en charge du jeune confié par le système judiciaire pour un minimum de six mois, extensibles à un an ; la fourniture d’un service de consultation et d’aide au garçon et à la famille, dans le but de garantir la guidance correcte prévue par la sanction. Les responsables du projet rendent compte périodiquement de leur accompagnement individuel et des activités menées par le garçon. En ce qui concerne les aspects de l’accompagnement psychologique, on programme des sessions de thérapie individuelle et de groupe sur les thématiques de l’acceptation de soi, de l’estime de soi, de la capacité d’entrer dans des démarches de décision et de réconciliation. Toujours en groupe, ils suivent des programmes de développement des capacités physiques et intellectuelles, participent à des ateliers pour développer les qualités artistiques, associatives et sportives, selon leur propres intérêts. On leur assure un accompagnement personnalisé en vue de penser un projet de vie complet, qui inclut l’orientation professionnelle et l’insertion dans le monde du travail.

Chaque activité est suivie par une équipe interdisciplinaire faite de spécialistes, en plus des éducatrices et éducateurs spécialisés. Ils aident les jeunes à s’imaginer inscrits dans un système de valeurs tels que la légalité et la citoyenneté.

 

Restaurer le rôle des familles

Les communautés salésiennes de Ciudad Juarez, Los Mochis et Tlaquepaque suivent le même modèle, qui prévoit l’accueil, la mise en place d’un service d’assistance, la réalisation d’activités individuelles et collectives, le travail avec les familles, et l’accompagnement pour la reprise du leadership familial.

La famille est un lieu privilégié de protection et de soin, dans lequel naît la socialisation première. Elle est ce qu’il y a de mieux en matière de stratégie pour la formation des capacités humaines. Cependant, elle peut aussi être un milieu marqué par les conflits, les inégalités et les violations qui peuvent entraîner, surtout chez les plus petits, une situation de risque et des fragilités. Ces derniers peuvent compter sur le soutien de la famille salésienne pour pallier le manque d’alternative à la réclusion, pour offrir la liberté et l’opportunité d’une vie meilleure.

 

Le Mexique est un pays avec une majorité de jeunes; un tiers de la population a entre 12 et 29 ans. Actuellement, 7 millions de jeunes sont définis avec mépris comme des « ninis », ceux qui, de 15 à 29 ans, n’ont pas la possibilité d’accéder aux études et au monde du travail. C’est une gigantesque réserve de jeunes disponibles, ou susceptibles, par manque d’alternative, d’être enrôlés par les réseaux criminels. Les fillettes, les enfants, les adolescents recrutés par les organisations criminelles ont deux caractéristiques sociales : ils sont à la fois victimes et coupables. Ils sont utilisés par les bandes criminelles comme soldats pour la guerre contre l’Etat mexicain. Ils sont dressés dans des camps où ils reçoivent des instructions militaires avec des techniques d’utilisation des armes à feu, des cordes, de torture, d’assaut et de stratégie pour intercepter les commandos de la police fédérale, de l’armée et de la marine, afin d’assurer la sécurité et la protection de leurs biens propres et les affaires illégales. Les conditions de vie sont telles que la majorité d’entre eux sont dans une situation de guerre structurelle.

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