Sur les parquets et au collège de Bailleul (Nord), la double vie d’Alexandre Deman

7 mai 2022

Sur les parquets et au collège de Bailleul (Nord), la double vie d’Alexandre Deman

Alexandre Deman est, depuis 2007, professeur d’éducation physique et sportive (EPS) au Collège Immaculée-Conception de Bailleul (Nord), qui fait partie du réseau salésien. Mais il est aussi arbitre professionnel de basket. Il a ainsi été sélectionné l’été dernier pour arbitrer la coupe du monde féminine moins de 19 ans. Rencontre avec un passionné.

Alexandre Deman, 38 ans, est passionné de basket. Il a d’ailleurs longtemps pratiqué ce sport au sein du club du BJMH (Basket Jean Macé Hazebrouck), à une quinzaine de kilomètres de Bailleul (Nord). Professeur au collège depuis une quinzaine d’années, il y exerce désormais à mi-temps, de manière à pouvoir exercer son autre activité : arbitre professionnel de basket. « Ma semaine se résume à être à l’école le lundi, un match en Europe au milieu de la semaine, à l’école le vendredi, et un match en France en Betclic Elite (ProA) le week-end. » explique-t-il.

« Tu prends confiance, tu te sens utile »

Comment est-il venu à l’arbitrage ? « C’était à Hazebrouck, en septembre 2000, le président du BJMH demande ‘Qui veut arbitrer ?’… silence dans la salle… J’ai levé la main ! Encore aujourd’hui, j’ai tendance à m’engager dans des projets où il n’y a pas forcément beaucoup de volontaires (comme la gestion du site web du collège par exemple)… et je crois que ça vient de là, de cette première fois où j’ai levé la main pour arbitrer et que ça a marché. On m’a dit ‘Tu te débrouilles bien’. Du coup, tu prends confiance, tu te sens utile. »

Mais arbitre professionnel et prof en collège, est-ce conciliable ? « L’Immac, le collège de Bailleul est ma deuxième maison… Les élèves sont motivés, les collègues sont formidables et la direction me laisse prendre des initiatives. Du coup, quand je sors du collège pour aller arbitrer, je suis bien dans mes baskets. Et quand j’y retourne après un match où j’ai vécu la colère de 5 000 personnes, après deux avions, un train en retard et trois tests PCR, voir les sourires de mes petits élèves de 6e en cirque, en badminton… ça me fait immédiatement redescendre sur terre. Je suis exténué mais tellement heureux ! » témoigne-t-il.

Enseigner en langue anglaise

Et avec la vie de famille ? « On ne peut pas être un arbitre à peu près compétent si on n’est pas bien dans sa vie, répond Alexandre. Cette activité est tellement solitaire ! On voyage seul, on est seul à l’hôtel, seul sur le terrain… Et, bien des fois, l’arbitrage est ingrat. On est souvent face à soi-même, face à son image, ses performances, on est sans cesse remis en cause. Il faut être vigilant pour que ça ne te détruise pas mais que ça te nourrisse au contraire. » Et l’enseignant nordiste de poursuivre : « C’est pourquoi il faut être bien entouré et j’ai la chance de l’être ! Il y a ma femme, ancienne joueuse professionnelle de basket aux USA et en France, qui est la première à me dire ‘Là tu as été nul, tu devrais faire comme ça !’ Ma famille, même si ce ne sont pas des spécialistes basket, est très importante dans les moments compliqués : c’est toujours bien d’avoir des parents qui peuvent te rappeler que le plus important, quand tu sors d’un match difficile, ce n’est pas le basket. »

Enfin, il y a le collège. « L’arbitrage m’apporte beaucoup également pour l’école. Grâce à lui, j’ai pu très vite développer mon anglais et cette année j’ai eu l’opportunité de passer un examen pour pouvoir enseigner le sport en anglais. La patience et la gestion des émotions également : on est très souvent impliqué dans la gestion de conflit sur le terrain et même parfois après ; par conséquent, j’avoue que gérer une classe est devenu beaucoup plus facile au fil des années. »

Les valeurs du sport, au collège comme sur un terrain de basket

« Pour faire le parallèle, le rapport à la règle est intéressant, dans l’arbitrage ou à l’école : la règle doit être claire et comprise de tous, je dois réagir pour ceux qui ne la respectent pas avec une communication adaptée et ensuite sanctionner s’il le faut. Entre collègues dans l’arbitrage, on se dit souvent une phrase un peu tordue : « je dis ce que je vais faire et surtout je fais ce que j’ai dit que j’allais faire : c’est le premier pas vers la crédibilité et le respect ». L’esprit de cette phrase s’applique également à l’école.

Et lorsqu’on lui demande si ça change quelque chose d’enseigner dans une maison salésienne, la réponse ne tarde pas : « Le côté salésien à l’école je le retrouve également au basket par la confiance que l’on instaure avec les acteurs du jeu, explique Alexandre. Dans les briefings avec les collègues, je parle souvent de cet aspect : si tu fais une erreur, je serai là pour toi et je sais que tu seras là pour moi. C’est un monde avec beaucoup de concurrence et on m’a parfois reproché d’être un peu trop gentil avec ce genre de discours… Mais selon moi être ambitieux n’empêche pas de faire confiance, d’être transparent et d’assumer ses erreurs. On progresse tellement plus vite de cette manière et surtout avec le cœur léger, sans mauvais sentiments. »

Au fil des années, Alexandre a beaucoup d’anecdotes à partager avec ses collègues, notamment des aventures invraisemblables liées au transport ou à des personnalités rencontrées. En ce moment, ce sont plutôt les tests PCR, antigéniques et des règles qui changent toutes les semaines en fonction des pays qui reviennent dans la discussion.

Et puis, il y a la suite : 2024 n’est pas loin, avec les prochains JO de Paris.

 

Nicolas Bogaert

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