A l’écoute de Marie

31 mars 2020

A l’écoute de Marie

A l’heure de cette crise sanitaire, aussi inédite qu’exceptionnelle, tant par la brutalité de son apparition que par l’ampleur de son développement, notre Recteur Majeur invite chaque membre de la famille salésienne à se tourner vers Marie Auxiliatrice, qui n’a cessé d’assister et de protéger Don Bosco tout au long de sa vie et de son œuvre.

Aussi me parait-il important de nous rappeler les trois conseils que Marie prodiguait à Don Bosco encore enfant, lorsqu’elle lui présenta son champ d’action : « Sois humble, fort et robuste ! ». Ces conseils, énoncés à la fin du rêve des 9 ans, peuvent, à mes yeux, constituer la source de notre méditation pour aujourd’hui.

 

« SOIS HUMBLE »

à l’heure où l’apparition d’un petit virus de rien du tout provoque le dérèglement de la planète ! Le modèle économique, dont l’homme était si fier, est en voie d’effondrement, et notre système de santé, dont nous pensions qu’il pouvait nous protéger de tout, s’avère fragile. L’orgueil de l’homme, toujours prêt à reconstruire la tour de Babel en pensant pouvoir tout maitriser, en prend un sacré coup !

Alors certains se plaisent à dire que c’est lui qui a « inventé » ce virus, en faisant circuler sur les réseaux sociaux cette fake news, basée sur la méconnaissance du sens du mot « inventeur » dans le langage de la recherche scientifique : « inventeur » signifie « découvreur », et non créateur. On parle ainsi des « inventeurs » de trésors pour qualifier ceux qui les découvrent.

D’autres se posent la question du « Pourquoi ? » Pourquoi telle personne est contaminée, et pas telle autre, vivant pourtant dans les mêmes conditions ? Pourquoi telle personne développe une forme grave de la maladie, alors que telle autre ne ressent aucun symptôme ? On a tendance à oublier le message adressé par Jésus lors de l’effondrement de la Tour de Siloé. « Ces 18 personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien, je vous le dis : Pas du tout. Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même ! » (Lc, 13, 4-5).

L’important, aujourd’hui, consiste, non pas à s’égarer dans un questionnement sans fond sur le thème du « Pourquoi ? », mais à répondre à l’appel à la conversion : non pas se fermer sur soi-même, mais s’ouvrir aux autres et au Tout autre. Telle est l’invitation qui nous est faite durant ce carême à l’allure de quarantaine. A une époque où l’individualisme était devenu la règle, cette crise nous rappelle combien il est important de penser non seulement à soi, mais aussi aux autres, que se protéger et protéger les autres vont de pair, que nous appartenons à une communauté de vie dont il faut prendre soin.

 

« SOIS FORT »

à l’heure où nous voilà obligés de changer complètement de rythme de vie ! Des activités, des rencontres qui nous paraissaient essentielles, ne peuvent plus avoir lieu. Et nous ressentons douloureusement le manque de ces gestes de proximité et de tendresse avec ceux qui nous sont chers, ces gestes qui nous procuraient réconfort et soutien et qui nous sont désormais interdits.

Oui, il nous faut être fort, si nous voulons résister à la déprime ambiante. Certains commentateurs de la pédagogie salésienne ont parfois voulu assimiler « douceur » et « faiblesse ». Ils se trompent : loin d’être une faiblesse, la douceur est une force maîtrisée, pleine de patience et de mansuétude. Il nous faut toujours apprendre à conjuguer « douceur » et « force ». Paul, d’ailleurs, dans sa lettre aux Galates, associe ces fruits de l’Esprit que sont « douceur » et « maitrise de soi » (Gal, 5, 23)

Alors que nous avons parfois tendance à vouloir la fuir, voici qu’en cette période de crise il nous est donné de devoir affronter la solitude. Qu’elle nous permette de prendre soin de notre « être intérieur », de découvrir que Celui, que nous avons parfois tendance à chercher dans l’au-delà de tout, est aussi Celui qui habite dans l’en-deçà de nous. Nous ne pouvons plus dire aujourd’hui que nous n’avons pas le temps de prier les uns pour les autres.

Et voici que les nouvelles technologies numériques nous permettent de maintenir le lien avec les autres, et en particulier avec les jeunes. Que ce temps de crise nous donne d’expérimenter tout ce que ces nouveaux outils, s’ils sont utilisés à bon escient, peuvent nous permettre en possibilités de communication. Comme aime le souligner le Pape François, « les e-mails, les SMS, les réseaux sociaux peuvent être des formes de communication pleinement humaines. Ce n’est pas la technologie qui décide si la communication est authentique ou non, mais le cœur de l’homme » (1). Développons notre capacité à bien user de tous ces nouveaux moyens mis à notre disposition.

 

« SOIS ROBUSTE »

à l’heure où cette crise s’annonce plus longue que prévue. Seule la robustesse permet de persévérer dans la durée. Christ nous donne deux conseils pour nourrir cette persévérance : « Veillez et priez » (Mt, 26, 41)

Veiller, c’est peut-être aujourd’hui savoir se rendre attentifs à tous ces petits signes précurseurs de l’après-crise. Car, comme le soulignait le Président de la République dans son allocution, nous ne pourrons plus vivre après comme avant. Sachons repérer tous ces signes d’une fraternité qui se renforce : ces gens qui applaudissent chaque soir sur leurs balcons pour encourager les soignants ; ces jeunes étudiants qui se portent volontaires pour prêter main-forte aux équipes de soignants ou aux équipes éducatives de nos établissements d’action sociale, où sont confinés des enfants et des adolescents qui n’ont pas la possibilité de pouvoir rentrer en famille ; ces jeunes qui créent une chaîne de solidarité pour apporter leurs courses aux personnes âgées et isolées … et je pourrais citer tant d’autres initiatives !

Oui, veillons et prions, pour maintenir intacte notre espérance. Car, nous le savons, après l’hiver vient le printemps, après la mort vient la résurrection. Pâques est à notre porte !

Avec Marie, vivons donc ce temps de crise dans la dynamique pascale du « mourir pour vivre » et commençons déjà à nous préparer au temps d’après !

En la fête de l’Annonciation, Paris, 25 Mars 2020

Jean-Marie PETITCLERC, SdB

In Pape François « Chers Jeunes » Mame, 2017, p53

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