« Miséricorde», un clip-témoignage d’un dialogue interreligieux

22 juin 2016

« Miséricorde», un clip-témoignage d’un dialogue interreligieux

Depuis le mois de mai, Frère Benjamin, salésien de Don Bosco, travaille sur un projet hors norme, à contre-courant. Il fait chanter douze jeunes de confessions musulmane, juive chrétienne et de ‘sans religions’ sur un même thème : la miséricorde (A Rahman, en hébreu et arabe). Exprimé dans les quatre couplets, les jeunes et leurs familles témoignent qu’un autre monde est possible. A vous aussi, d’en être convaincu et de le partager.

 

 

 

 

« Il y a des moments où nous sommes appelés de façon
encore plus pressante à fixer notre regard sur la Miséricorde »
Pape François

 

Don Bosco Aujourd’hui : Vous teniez à réunir des jeunes de diverses convictions : des juifs, des musulmans, des chrétiens et des ‘sans religions’. Pourquoi cet enjeu ?

Frère Benjamin : Le projet d’un clip « Miséricorde » est né d’un décalage entre ce qui se dit et ce que je vis. D’un côté, des opinions relayées par les médias qui parlent de tensions interreligieuses, de poussée des extrémismes,… D’un autre coté : ma vie quotidienne à Argenteuil de frère consacré aux jeunes, à la fois dans une paroisse située à cheval entre un quartier résidentiel et une cité (la fameuse Dalle d’Argenteuil), et dans un collège privé, où 40% d’enfants sont issus de familles musulmanes. Et là, je découvre un sens de l’altérité, l’unité dans la diversité.

 

Contrairement aux médias qui n’influent pas toujours dans le sens de l’apaisement, je décide donc d’encourager, de renforcer l’existant, en réalisant ce clip avec des enfants issus à part égale des trois religions monothéistes et de ‘sans religions’. Il s’agit d’abord de renforcer le lien entre ces enfants-là qui forment l’équipe de chanteurs, mais aussi de diffuser le plus largement ce clip et faire de ce groupe d’enfants des ambassadeurs.

 

D.B.A. : Le mot Miséricorde n’était-il pas un mot chrétien par excellence ?

B.D. : Pas du tout ! Le comble de l’histoire, c’est que ceux-là même qui tuent au nom du d’Allah semblent avoir oublié que le mot Miséricordieux est dans les premiers mots du Coran : Allah le très Miséricordieux (Miséricordieux veut dire clément). C’est aussi un mot capital dans le Judaïsme dont il tire sa racine ; c’est d’ailleurs le même mot en hébreu et en Arabe. Il parcourt en long et en large tous les écrits bibliques. Et enfin, il signifie “entrailles d’une mère”, “matrice”, c’est-à-dire l’amour inconditionnel ou la bienveillance, qui est aussi le combat de ceux qui ne se retrouvent dans aucune religion. En effet, on voit bien combien en classe, au travail, en famille, partout, c’est très dur d’être accepté tel que l’on est. Nous avons tous soifs de cet amour pour nous-mêmes.

 

Ce n’est pas un hasard si le Pape François, qui a le vent en poupe mais surtout qui sait lire l’actualité, proclame une année sainte de la Miséricorde. Ce mot désigne précisément ce que les humains ont perdu : l’Amour inconditionnel, l’Amour qui accepte l’autre tel qu’il est. Dans sa différence. L’Amour qui ne pose pas de condition : ce n’est pas « je t’aime à condition que », « je t’aime si tu fais ceci comme cela »… Non ! C’est cet Amour qui a conscience que chaque être est sacré, y compris celui qu’il m’est difficile de supporter.

 

D.B.A. : Pouvez-vous nous parler un peu plus de votre vie à Argenteuil ?

B.D. : Je viens de la province. J’ai grandi à la campagne. Depuis trois ans, je vis à Argenteuil. Et j’y découvre une autre réalité que celle que j’imaginais. Nous entretenons, mes confères et moi, des relations cordiales avec l’Imam d’une des plus grandes mosquées d’Europe, comme avec le président de la synagogue. Nous travaillons pour les jeunes de la paroisse Saint-Jean-Marie-Vianney, pour ceux du Valdocco, dont la plupart sont musulmans, et enfin, pour les collégiens du collège Saint-Joseph.

 

A Argenteuil, tout se mélange, les enfants ne s’embarrassent pas des étiquettes des adultes et sur le terrain de foot, dans la cour, chez les Scouts, à l’aide au devoir… nos crispations religieuses ou anti-religieuses ne les empêchent pas de jouer ensemble, d’étudier, de travailler, de faire des bêtises, de « se poiler », de « s’engueuler », et… de chanter ensemble.

 

 

D.B.A. : L’idée de réaliser un clip chanté vous est-il venu naturellement ?

B.D. : En tant que musicien, je sais combien la musique peut relier les cœurs. J’avais donc envie de faire goûter cela à des enfants. Il s’agit de leur faire prendre conscience de la beauté de ce qu’ils vivent déjà et que c’est un trésor. Par ailleurs, mon expérience de musicien qui a souvent goûté au fruit (je dirais même thérapeutique) du coaching vocal et musical en termes de confiance en soi, d’expression des souffrances m’a naturellement conduit à inventer un projet musical qui réunit toutes ces ambitions : riposte aux attentats, faire goûter aux enfants et à leurs familles, le vivre et le chanter ensemble, réaliser un produit qui véhicule des idées et qui soit en même temps un témoignage : c’est possible plus que jamais, contrairement à ce qu’on entend à la TV.

 

 

Propos recueillis par Hélène Boissière Mabille
30 juin 2016

 

 

Frère Benjamin

 

Le clip a été réalisé par Frère Benjamin. Chaque couplet a été écrit pour un jeune de chaque confession. Le refrain reprend les mots « Miséricorde, cœur de Père, cœur de mère ». Les quatre couplets donnent une idée en quelques mots de la façon dont résonne le mot « Miséricorde » dans la conviction de chacun.

 

Benjamin Dewitte est salésien de Don Bosco. Il a été ordonné prêtre le 25 juin 2016 à Pontoise.

 

 

 

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Famille Salésienne