Jean-Baptiste Hibon, diacre au cœur des paroisses salésiennes de Lyon : « Le handicap sert le monde »

18 août 2023

Jean-Baptiste Hibon, diacre au cœur des paroisses salésiennes de Lyon : « Le handicap sert le monde »

Jean-Baptiste Hibon est psychosociologue de formation. Porteur d’un handicap depuis la naissance, il est diacre permanent à Lyon, au cœur des paroisses salésiennes, et aide, par des conférences et des formations, à mettre en pratique l’inclusion du handicap dans la société. Rencontre. 

 

Si aujourd’hui, Jean-Baptiste a un large sourire qui se transforme facilement en éclats de rire sonores et communicatifs, et s’il a choisi d’être heureux et raconte avec beaucoup d’humour ses mésaventures liées à son handicap, c’est au bout d’un long parcours qu’il y est parvenu.  Il explique avoir beaucoup souffert de son handicap dans son enfance, de la façon dont on le regardait : « j’avais peur qu’on pense que je n’étais pas intelligent, d’être exclu d’activités que je rêvais de faire, comme les scouts par exemple. »

Après une adolescence difficile pleine de colères et de révoltes contre le monde de la santé qu’il tenait pour responsable de son handicap, contre la vie même : « Un jour ma mère m’a trouvé dans ma chambre avec un couteau », il fait l’expérience de l’amour de Dieu lors d’une retraite à Paray-le-Monial. C’est « comme une conversion, une seconde naissance » dit-il. Sa vie en est transformée. Alors qu’il est étudiant à Strasbourg, il rencontre chez une amie une étudiante, prénommée Séverine. Tous deux se marient à Paray-le-Monial en 2001. Il écrit alors : « Incroyable émerveillement quotidien face à la femme qui m’a choisi, non malgré, mais avec mon handicap. »

Aujourd’hui, Séverine et Jean-Baptiste sont parents de trois garçons dont l’aîné a 19 ans. Ils habitent à Lyon sur le territoire des paroisses desservies par les Salésiens de Don Bosco et leurs enfants ont été scolarisés aux Minimes, maison salésienne. Après avoir souvent entendu l’appel à devenir diacre permanent, il se met à y penser sérieusement et s’y prépare.  En 2018, il est ordonné à Lyon.  « L’Eglise à travers la fragilité a quelque chose à dire dans le monde économique et numérique » affirme-t-il. Ce sera son champ d’action.

 

« Il y a eu un bug »

Cette expression vous étonnera peut-être, mais pour Jean-Baptiste Hibon, le handicap est une erreur. Oui, une erreur : « Quelque chose n’a pas marché, il y a eu un bug, une erreur de la nature : un gêne de trop ou de moins, un accident. » défend-il. Si l’on part de ce point de vue, que l’on passe du handicap à l’erreur, alors tout est possible ».

Devant une erreur, on peut réagir de trois manières : « Soit, on la nie, on la fuit ; soit on se dit que c’est trop lourd à porter, on pleure et on se décourage ; soit on se dit qu’on peut donner le meilleur de soi-même pour y remédier ». Jean-Baptiste a choisi d’être le meilleur. « On peut être handicapé et être le meilleur !  Lorsqu’on a fait une erreur, on souhaite la réparer. Nos erreurs nous aident à nous améliorer en travaillant dessus. »

Mais Jean-Baptiste va plus loin : « L’erreur, qui l’a prise sur lui ? C’est Jésus… Pour les transformer, nous donner la vie éternelle. Jésus nous invite à faire pareil, oser ne pas se défiler devant nos erreurs ».

 

Tous avons été le… meilleur

Jean-Baptiste Hibon et sa femme Séverine.

Jean-Baptiste Hibon et Séverine, son épouse.

Et de faire remarquer que lors de notre conception, nous avons été le… meilleur, « c’est à dire le premier spermatozoïde et le premier ovule parmi des milliards à se rencontrer pour donner un être vivant 9 mois plus tard ! Toute notre vie, nous cherchons à retrouver cette place du ou de la meilleure. » Comment ? On peut devenir le meilleur ou la meilleure en écrasant les autres, ce qui n’est pas très heureux, mais on peut aussi devenir le meilleur ou la meilleure en coopérant. Là est le point essentiel, nous dit-il. « La coopération qui repose sur l’autonomie : savoir demander l’aide dont nous avons besoin à la bonne personne et au bon moment. Handicap ou pas, on a tous besoin de savoir demander de l’aide. »

« Une personne handicapée, c’est le symbole de notre humanité. Le handicap sert le monde, lui ouvre les yeux sur sa vérité. Il est uniquement un révélateur, un amplificateur, un catalyseur de nos propres vies. »

Aussi, une personne handicapée est un plus dans une entreprise, affirme Jean-Baptiste. Mais chacun est-il à même de reconnaître cela ? Comment se fait le processus ? « Embaucher du personnel porteur de handicap demande de la bienveillance, de l’anticipation car il y a des préjugés, des stéréotypes dans les entreprises, comme par exemple « Une personne handicapée n’est pas efficace au travail ». S’ensuit la discrimination : on ne l’embauche pas. C’est pour cela qu’il faut former les managers, les collaborateurs des travailleurs porteurs de handicap. »

 

Tout poste est aménageable

Il existe des aides à l’embauche et à la formation pour les entreprises qui accueillent le handicap. « Tout poste est aménageable », explique-t-il. L’AGEFIPH* par exemple est un organisme d’Etat qui finance des aides matérielles et humaines (genre AVS). Beaucoup d’entreprises ne veulent pas franchir le pas car elles ne connaissent pas ces possibilités. Il faut les leur faire connaître.

Avec sa femme, Séverine, ils interviennent en entreprise et proposent des animations pour aider à l’accueil du handicap. Par exemple, en présentant quatre portraits de handicap avec leurs compétences et ils posent la question suivante : « Lequel de ces profils pourrait le plus facilement être inscrit dans votre entreprise ? »  Cela entraîne un débat et cela permet de parler, de dire ses préjugés, ses peurs… c’est la première étape pour trouver des solutions.

Le couple anime également des jeux de rôles : « Un membre du personnel qui a été malade est de retour dans l’entreprise avec un handicap, on propose à 3 personnes de mettre en scène la situation à tour de rôle. En se mettant à la place de l’autre, les acteurs prennent conscience des possibilités. Et après cela, il n’y a plus de problème, quelle que soit la difficulté. L’accueil du handicap modifie l’organisation et l’ambiance de toute l’entreprise. »

 

Sœur Joëlle DROUIN

Contact : https://www.congresnouvelleere.com/jean-baptiste-hibon

*AGEFIPH : Association française de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées.

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