Caroline Saliou : « Don Bosco voulait faire vivre la diversité »

16 décembre 2016

Réélue à la tête de l’APEL pour un troisième mandat, Caroline Saliou n’hésite pas à citer Don Bosco pour justifier la mission de l’Association des Parents d’élèves de l’Enseignement Libre (A.P.E.L.). Quelle est sa vision de Don Bosco ?

 

Don Bosco Aujourd’hui : Vous avez cité, dans un entretien à La Croix, que Don Bosco est un des pères fondateur de l’Enseignement Catholique. Que signifie pour vous cette référence à Don Bosco ?

Caroline Saliou : Il est important aujourd’hui de rappeler qui est à l’origine de l’Enseignement Catholique. Certains disent que l’Enseignement Catholique est réservé à une certaine élite, soit sociale soit intellectuelle, et que les établissements catholiques sont élitistes. Or, nous, parents d’élèves, nous défendons une école ouverte à tous. Si j’utilise cette référence à Jean Bosco c’est justement pour rappeler que Don Bosco allait vers les jeunes dans la rue. Il cherchait un parcours de réussite pour chacun.

Aux personnes qui souhaiteraient que l’école catholique ne soit ouverte qu’aux catholiques, je cite Don Bosco. Car Don Bosco, dont on ne peut pas mettre l’engagement catholique en doute, voulait faire vivre cette diversité.

« La Charte éducative de confiance » 

Le document de l’APEL « La Charte éducative de confiance » invite les établissements à réexplorer les relations entre l’école, la famille et les jeunes. Une charte éducative de confiance pour que chacun des établissements s’engage à faire un geste pour trouver une place à chacun au sein de l’école. Qu’est-ce que je fais, moi, pour donner une place à chaque parent, notamment les plus démunis ? Charte, outils d’animation et vidéo sur le site l’enseignement catholique.

D.B.A. : Quel est le défi de l’APEL aujourd’hui ?

C.S. : Faire vivre l’unité dans la diversité. Il nous faut rester uni, nous accueillir les uns les autres et construire ensemble. C’est une richesse, mais il faut que chacun accepte de recevoir de l’autre ce qu’il lui offre quel que soit le don, dans ce qu’il vit, ce qu’il pense, ou ce qu’il croit. L’entre soi n’est jamais bon.

Il n’est pas acceptable d’entendre parler de parents « démissionnaires ». Nous observons la volonté et le courage des parents issus de milieux très défavorisés, l’ambition qu’ils ont de faire sortir leur enfant de leurs conditions grâce à l’école. On ne peut qu’être admiratifs. Ils ont un message à nous apporter. Ce n’est pas parce que l’on est un parent socialement démuni, différent dans sa foi ou étranger, que cela doit être un obstacle dans la scolarité de son enfant. Il faut donner à ces parents leur place dans l’école et les restaurer dans l’accompagnement de leur jeune. C’est extrêmement important pour un enfant qui se sent différent, de voir ses parents entrer naturellement dans l’école, discuter avec les enseignants, les autres parents, le chef d’établissement. Ce regard change tout pour un enfant. C’est une mission de l’Enseignement Catholique, de tous les acteurs, parents et communauté éducative, de poser des gestes concrets.

Je n’ai pas travaillé sur Don Bosco, sur sa vie, mais depuis que je suis engagée dans l’APEL, c’est à dire depuis 26 ans, toute la pédagogie préventive de Don Bosco m’interpelle. Plutôt que d’appliquer des pansements, c’est maintenant, dans nos écoles, qu’il faut agir.

« Plutôt que d’appliquer des pansements,
c’est maintenant, dans nos écoles, qu’il faut agir. »

D.B.A. : Que retenez-vous des établissements Don Bosco dans lesquels vous êtes passée ?

C.S. : C’est le regard que l’on porte sur les enfants, la façon dont on s’adresse à eux. Quand on parle avec un enfant un peu difficile, dans son comportement ou sa scolarité, c’est avec calme et bienveillance. Je me rappelle que dans un établissement où les enfants m’attendaient sur la cour, un enfant était sortir du rang. Le chef d’établissement est allé vers lui et lui a parlé à l’oreille. Le jeune s’est apaisé, il ne s’est pas senti agressé. C’est ce que j’appelle « l’autorité affective ». Il y a trois mots importants dans la philosophie de Don Bosco, l’autorité, l’affectivité et la confiance. Dans les établissements Don Bosco, j’ai remarqué que l’on fait en sorte que la relation entre les enseignants et les élèves soit une relation de confiance.

« Ce qui me marque le plus dans les établissements Don Bosco
où je suis passée c’est le regard que l’on porte sur les enfants. »

J’aimerais qu’au quotidien cela se vive partout, dans nos écoles, dans les établissements d’enseignements publics, dans les centres d’accueil de jeunes. Cela améliorerait le rapport entre les adultes et les jeunes.

D.B.A. : On dit souvent que Don Bosco voulait former de « bons citoyens ». Est-ce le rôle de l’école de former à la citoyenneté ?

C.S. : Cette vision de l’enfant engagé dans la société est vraiment la problématique de notre société. Don Bosco avait le don de mettre les enfants en projet. Il les engageait à travailler ensemble, à créer une solidarité entre eux en vue de les rendre plus actifs dans la société.

L’engagement, le travail par projets sont également prônés par l’APEL depuis des années. Comment les élèves vont-ils s’organiser ? Comment un plus brillant va travailler avec un moins brillant pour un travail commun ? On voit tout ce que cela implique comme don, comme connaissance de soi, comme compréhension de l’autre.

Cela donne du sens à la scolarité, cela donne du sens à sa vie, et cela donne du sens à sa spiritualité. Pour donner du sens, il faut vivre des expériences concrètement et apprendre à les partager.

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