Le cri d’un éducateur : « Ah ! Si on savait écouter les enfants et les ados… »

6 juin 2020

Le cri d’un éducateur : « Ah ! Si on savait écouter les enfants et les ados… »

Tous les établissements scolaires sont réouverts, nous dit-on, ce qui est loin de signifier que tous les élèves ont pu rejoindre leur école. Que de freins sont mis pour ralentir ce retour, pourtant ardemment souhaité par tous les enfants et adolescents que je rencontre !

Des enseignants et des éducateurs expriment leurs peurs pour leur propre santé. Des parents font part de leur anxiété vis-à-vis de leurs enfants. Des chefs d’établissements, des maires craignent d’être tenus pour responsables par l’institution judiciaire. Et toutes ces prises de parole ne cessent de circuler dans les journaux télévisés et sur les réseaux sociaux.

Les absents du débat

Mais il y a de grands absents dans ce débat : les enfants et les adolescents. Qui sait aujourd’hui se mettre à leur écoute, afin de prendre en compte et relayer leur besoin vital de retrouver leurs copains ? Leur besoin d’être écoutés et de pouvoir partager leur ressenti par rapport à cette situation de confinement qui a bouleversé leur mode de vie, par rapport à toutes ces mesures (port du masque, distanciation physique) au caractère si anxiogène ? Leur besoin de sortir de leur chambre et d’une consommation excessive des écrans ?

Et combien les jeunes placés dans les Maisons d’enfants à caractère social attendent avec impatience de pouvoir reprendre les cours, la fréquentation de l’école leur permettant de s’ouvrir au monde extérieur ! Et combien il y a urgence pour les enfants pour lesquels le huis-clos familial vire au cauchemar !

Des spécialistes peu reconnus

« Nous sommes horrifiés », disait la secrétaire générale de la Société française de pédiatrie, le Docteur Chrystèle Gras-Leguen, « à la lecture des préconisations actuelles du ministère, parce que l’enfant reste vu comme un danger, alors que le Covid n’est pas une maladie de l’enfance ». Il est à se demander si les rédacteurs de ces 50 pages de consignes ont un jour pris le temps d’écouter les enfants. Et comment ne pas regretter qu’aucun représentant de la société française de pédiatrie ne siège dans l’instance du Conseil scientifique, si écoutée par ceux qui nous gouvernent ?

Le vice-président de cette société le Professeur Robert Cohen, rappelle, au terme d’une étude réalisée en Ile de France, que très peu d’enfants sont contaminés… et contrairement à ce que l’on croyait au début de l’épidémie, très peu sont contaminateurs. Alors comment a-t-on pu en arriver là ? Aller jusqu’à interdire aux enfants de s’approcher, de jouer ensemble… aller jusqu’à interdire à un éducateur de consoler un enfant en le prenant dans ses bras ? Quelle violence leur est ainsi faite !  Et tout cela au nom du sacro-saint principe de précaution, que l’on veut appliquer de la même manière aux enfants et aux adultes… à moins qu’il ne s’agisse pour ces derniers de ne pouvoir autoriser à leurs enfants ce qu’eux-mêmes s’interdisent ?

Ils ont terriblement besoin de l’école

« Les enfants sont plus en danger chez eux qu’à l’école » disait récemment le ministre de l’Education Nationale. Il est dommage que la parole du politique soit devenue, dans notre pays, si peu crédible, car ce constat est empreint de vérité. D’une part, il n’a été recensé à ce jour aucun cas d’enfant contaminé à l’école, et d’autre part nos enfants et nos ados ont terriblement besoin de l’école, surtout ceux pour lesquels l’environnement familial et social n’a guère permis de bénéficier du maintien du lien avec les enseignants.

La question centrale qui se pose aujourd’hui est celle de savoir si les adultes que nous sommes sont capables d’entendre le cri de tous ces enfants et adolescents, actuellement condamnés au silence par notre société, et d’y répondre en les accueillant tous dans les établissements scolaires. Il s’agit alors, en leur permettant de reprendre ensemble le cours de leurs apprentissages, de leur offrir un lieu de retrouvailles entre amis, ainsi qu’un lieu de paroles avec des adultes autres que leurs parents.

N’est-ce pas en agissant ainsi que nous pouvons prétendre prendre réellement soin de nos enfants, en les aidant à retrouver la confiance dans l’avenir, indispensable pour leur développement ?

Père Jean-Marie Petitclerc

Educateur spécialisé

Coordinateur du réseau « Don Bosco Action Sociale »

Société