Souviens-toi que tu es mortel !

11 mai 2020

Souviens-toi que tu es mortel !

Au journaliste qui l’interrogeait sur la signification de sa bague ornée d’une tête de mort, le professeur Raoult, célèbre épidémiologiste de l’hôpital de Marseille, répondait par cette sentence romaine « Memento mori » (« souviens-toi que tu vas mourir »). En effet, c’est en s’appropriant l’idée que la mort est l’aboutissement naturel de la vie que l’on peut intensifier son goût de vivre et vaincre la peur de mourir.

« L’exercice de la bonne mort »

Don Bosco l’avait bien compris, lui qui voulait que, dans sa maison du Valdocco, les jeunes qu’il accueillait fassent, une fois par mois, ce qu’il convenait d’appeler « l’exercice de la bonne mort ». Celui-ci consistait à se préparer à recevoir le sacrement de réconciliation et l’Eucharistie, comme s’ils devaient être les derniers de leur vie. Et à la fin de l’exercice, il était habituel de réciter un « Notre Père » et un « Je vous salue Marie » pour celui des présents qui mourrait le premier. Don Bosco tenait, en effet, à ce que ses jeunes gardent présente à l’esprit l’idée de la mort. Il est vrai qu’en son temps beaucoup mouraient à l’âge de l’adolescence.

Cette pratique fut ensuite remise en cause par bon nombre de Salésiens, qui jugeaient l’exercice morbide. Mais, loin de l’être, il consistait en fait à une invitation faite à chacun de se recentrer sur l’essentiel de sa vie…  sur ce qui ne peut être détruit par la mort, à savoir la qualité de ses liens d’amour.

 

Ce que je peux emporter…

Car, comme l’exprimait si bien Steve Jobs sur son lit de mort, « La richesse, pour laquelle j’ai tant lutté et que j’ai obtenue dans ma vie, je ne peux pas l’emporter avec moi. Ce que je peux emporter, ce ne sont que les souvenirs résultant de l’amour. Ce sont là les vraies richesses qui vous suivent, vous accompagnent, qui vous donnent la force et la lumière pour continuer. »

Seul l’amour possède une dimension d’éternité. Et cette dimension de notre vie, nous pouvons l’expérimenter dès ici-bas. Voilà pourquoi Jean, dans son Evangile, parle toujours de la vie éternelle au présent. Celui qui croit a (et non pas aura) la vie éternelle (Jn 6, 47)

Croire en la résurrection ne signifie pas pour le chrétien attente passive de retrouvailles glorieuses. Croire en la résurrection signifie vouloir maintenir vivants les liens d’amour tissés avec ceux qui nous précèdent sur la route de la vie.

 

« À quoi cela sert-il de vivre, puisqu’à la fin il faut mourir ? »

Souviens-toi que tu es mortel … Ainsi, tu pourras miser ta vie sur l’essentiel, qui ne disparaît pas avec la mort. En ce temps de pandémie, où la peur de la mort paraît submerger bon nombre de nos contemporains, qu’il fait bon se souvenir de cette parole !

Et combien il me paraît important, pour tous ceux qui accompagnent les adolescents, de ne pas se dérober continuellement face à la question qui souvent agite leur esprit, surtout lorsqu’ils viennent d’être confrontés, en cette période de crise, et parfois pour la première fois, à la mort d’un proche : « À quoi cela sert-il de vivre, puisqu’à la fin il faut mourir ? ». Sachons continuer de leur porter cette bonne nouvelle « Les liens d’amour que tu tisses ont une dimension d’éternité. »

Rappelons à ce sujet l’anecdote que nous rapporte Don Bosco, à propos de Dominique Savio, cet adolescent qui l’avait tant marqué au point qu’il a écrit sa biographie : à l’issue de cet exercice de la bonne mort où il avait pressenti, au vu de la fragilité de son état de santé, que le prochain qui allait mourir, c’était lui, il demanda avec humour aux jeunes du Valdocco de prier pour lui. Et loin de se morfondre, il passa les derniers mois de sa vie à renforcer les liens d’amitié qui l’unissaient à ses camarades, avant de quitter notre monde dans une grande sérénité.

Puisse, au sortir de cette crise économique et sanitaire, l’esprit de fraternité terrasser la peur de mourir !

 

Jean-Marie Petitclerc, salésien de Don Bosco

En la fête de Dominique Savio, le 6 mai 2020

Société