Sous le pont de l’autoroute

31 juillet 2021

Sous le pont de l’autoroute

Créée en 2014, l’association ESPERE (pour Espoir Salésiens Pour les Enfants Roms d’Europe), membre du réseau Don Bosco Action sociale, propose des activités estivales dans les camps Roms de la métropole lilloise. L’une de ses activités a inspiré au père René Quemener, salésien de Don Bosco, ce mot du jour.

« Entrer dans  le camp Roms de la rue de Bavay à Lille, c’est comme arriver dans un pays étranger avec le dépaysement d’un long voyage. C’est l’expérience vécue par l’équipe venue vivre des animations durant ce temps de l’été 2021.

Quelle entrée ! Sans attendre, les enfants sortent des caravanes, courant, criant, sautant au cou des visages connus. La sévérité, la laideur des lieux fait place à une déferlante de rires, de cris. C’est maintenant un cortège qui s’est formé.  On dirait qu’il est porté par une vague d’où sort le plaisir d’être ensemble.

Sur le bord du chemin un homme âgé avec une barbe généreuse est assis sur une vielle chaise. Il nous regarde passer. D’un geste de la main il fait signe de venir s’asseoir sur un tabouret à côté de lui. Petite conversation, des mots en roumain, des mots en français, peu importe, la convivialité s’est assise avec nous, cela suffit.

Et subitement il se lève, se déplace de quelques mètres avec sa chaise, s’installe au milieu du chemin. C’est que la musique de « la danse des canards » a commencé de résonner sous les immenses voûtes du pont de l’autoroute. Il veut voir. Ses yeux sont fixés sur les enfants qui dansent. Je n’existe plus. Il les connaît tous, il les suit. Il est maintenant dans la danse, sa barbe remue, elle pourrait être fleurie tellement son visage est rayonnant.

C’est ainsi qu’a continué pour lui l’après-midi de fête. Sous ses yeux, la course en sac des enfants et leurs bonds et leurs chutes et leurs rigolades. Sous ses yeux, leur curiosité devant les tours de magie de Joseph ; sous ses yeux encore, leur joie de jouer aux  boules et aux quilles et même, sans le voir dans son dos, le chamboule-tout. Pour sûr, ce n’était pas un spectacle. Dans ce décor où l’on pourrait ressentir la froideur des énormes piliers en béton noircis, où l’on pourrait être repoussé par la poussière et les détritus longeant la voie ferrée, la vie en ce lieu, en cette heure, avait goût de célébration pour lui et pour nous.

Pas n’importe quelle célébration, mais celle où tout le monde participe. En effet, tous les enfants sont venus  apporter les petites pierres précieuses récoltées par leur équipe après chaque épreuve de jeu.  C’est ainsi qu’un grand gobelet s’est rempli et en descendant dans l’eau a pu faire remonter les ciseaux qui ont  permis d’ouvrir la malle au trésor.

Un immense HOURRA s’est alors élancé vers les voûtes en béton comme pour les soulever,  et libérer la vie : c’était un ALLÉLUIA !

Et pour le bouquet final, le goûter sorti de la précieuse malle. Ce goûter avait goût de communion. En effet, dans la cathédrale en béton d’un jour, nous pouvions accueillir ensemble les trésors de la vie cachée et aujourd’hui partagée, de cette communauté Rom. « Le royaume de Dieu ressemble à un trésor qui était caché dans un champ et qu’un homme a découvert… » Matthieu 13,44.

Caché dans un champ… ou sous l’autoroute.

Nul doute qu’avec nous, notre ami à « la barbe fleurie » nous a aidés à le découvrir… On pouvait danser une dernière fois. »

P. René Quemener, salésien de Don Bosco, communauté de Lille

Mot du jour