Gwenaëlle (MSJ) devant les évêques réunis à Lourdes : « C’est ensemble que nous y arriverons »

13 novembre 2021

Gwenaëlle (MSJ) devant les évêques réunis à Lourdes : « C’est ensemble que nous y arriverons »

Deux membres de la famille salésienne ont participé à l’assemblé plénière des évêques, à Lourdes, début novembre : le père Xavier de Verchère, en tant qu’aumônier général des Scouts et Guides de France (SGDF). Et Gwenaëlle, membre du Mouvement salésien des jeunes (MSJ). Un temps riche d’écoute, de dialogue, de réflexions communes, de prières, de fraternité, de pardon et de mémoire. Gwenaëlle nous partage son ressenti.

 

Une Église en transition

« 110 évêques, 120 invités, laïcs, victimes, jeunes, religieux et religieuses, pour participer au travail suite au rapport de la CIASE, la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise. Au programme : échanges en petit groupe, temps de travail collaboratif, prières, temps mémoriel et pénitentiel…   L’intelligence collective est mise à l’œuvre. Chacun peut s’exprimer, la parole est libérée. La jeunesse ici n’a pas hésité à aborder les tabous. Les points sensibles sont exprimés de manière franches, directes, sans fard. C’est un travail dans une dynamique synodale qui est engagé ! Synodalité ? Ça veut dire travailler ensemble sur les questions qui concernent l’Église, que tu sois prêtre, laïc, évêque, homme, femme, jeune.

Bien des choses dépassent le rapport de la CIASE. C’est l’organisation même de l’Église qui est remise en cause. En effet comment de telles atrocités ont pu voir le jour au sein même de la « sainte » Église catholique ? Les échanges sont intenses, et s’invitent aussi lors des repas : gouvernance, place des femmes, des laïcs, cléricalisme, responsabilités, culture du silence etc… Une reconstruction de l’Église, en profondeur et en vérité s’impose.  Une conviction s’installe : un chantier tel que celui-ci ne peut être mené par les évêques seuls.

Certains diront : « Nous voulons des changements, et maintenant ! » Lors de l’Assemblée, une femme prend la parole: « De 2009 à 2015, j’étais en responsabilité à la CEF (la conférence des évêques de France). Lors des assemblées, il y avait très peu de femmes. Nous n’étions pas conviées à nous asseoir dans l’hémicycle (place des évêques), et si nous voulions prendre la parole, il fallait demander à un évêque qui daignerait nous la passer. Je suis heureuse de voir aujourd’hui une multiplicité d’acteurs dans ces sièges, libre de prendre la parole ».

Je souris. Je suis dans le siège d’un évêque, au plein milieu de l’hémicycle. À travers moi, tu étais toi aussi, ami lecteur, assis dans ce siège. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que ta voix vaut celle d’un évêque. Que ta place est aussi importante que celle d’un évêque. Et c’est par ton engagement que tu pourras décider de quoi sera fait l’Église de demain, l’Église d’aujourd’hui. Nous vivons une transition ecclésiale. Cette transition ne peut se faire sans une conversion intérieure. Pas facile de changer son regard, revoir ses positions, écouter l’autre sans le juger… La bonne nouvelle, c’est que cette conversion concerne tout le monde. Et que c’est ensemble que nous y arriverons. « Fratelli Tutti ».

Tous frères

La présence des jeunes au sein de l’assemblée a été fortement appréciée de la part des évêques, qui étaient curieux de notre ressenti, demandeurs de nos avis, idées, etc. J’ai fait de mon mieux pour partager au maximum ce dont vous avez pu me faire part. D’autres jeunes et laïcs engagés n’ont, eux aussi, pas hésité à aller droit au but. En demandant à un évêque si ce n’était pas trop difficile de recevoir toutes ces paroles, parfois musclées de notre part, il me répond : « Si nous aimons l’Église, alors nous sommes prêts à tout écouter. » Mgr André Dupuy dira même dans son homélie le 7 novembre que « Non, ce n’est pas mal de critiquer l’Église quand on l’aime ». Les évêques, ils ont beaucoup appris de nous, mais nous avons aussi surtout beaucoup appris d’eux.

Je présente aux évêques de ma table mon questionnement sur les dénominations pompeuses comme « Monseigneur » qui peuvent favoriser un certain cléricalisme. « Êtes-vous attachés à cette dénomination ? ». L’un me répond avec humour : « Il faut au moins ça ! Accompagné de son éminence, excellence, grâce Monseigneur Bidule », en ajoutant dans un rire : « Avec ça, j’existe enfin voyons ! »  Oui, les évêques savent rire d’eux-mêmes !

Je découvre leur humour, leur envie d’avancer avec nous, leur vulnérabilité, leur humanité. On pourrait croire que les évêques sont loin, tout là-haut, couronnés de leur mitre, inaccessibles ! Mais qui les met sur leur piédestal ? Regardons-nous en tant qu’humain, homme, femme, avec nos qualités et nos faiblesses. Les évêques ne sont pas plus parfaits que d’autres, nous le savons. Mais ce que je peux dire avec certitude après cette assemblée, c’est que ce sont avant tout nos frères. Nos frères qui ont besoin de notre présence, de nos paroles sans faux semblant, de notre engagement de laïc afin de travailler non pas « pour » eux, mais « avec » eux. On peut leur reprocher beaucoup. Mais attendre uniquement des actions de leur part serait ne pas prendre au sérieux l’importance de ta place dans la construction de l’Église d’aujourd’hui. Je te souhaite de tout mon cœur que tu puisses saisir l’importance de ta présence au sein de l’Église, peu importe ton âge, ton sexe.

Question d’un évêque « Comment rendre compte dans nos lieux presbytéraux de ce que nous avons vécu ici à l’assemblée ? De cette synodalité ? De cette co-construction ? »

Le chantier est énorme. La crise est réelle, tu peux t’en apeurer, ou bien te dire « À quoi bon ? ». Et si nous la voyons plutôt comme une opportunité ?

Une lueur

Un évêque partage : « J’ai l’impression d’être dans un tunnel. Je ne sais plus si je suis au début, au milieu, à la fin, comme perdu dans l’espace-temps. Mais ce dont je suis sûr, c’est qu’au bout il y aura la lumière. » Cette lumière, je l’ai sentie sur mon visage. C’était la lueur d’une Église ouverte qui rayonne. La lueur d’une Église fraternelle qui réchauffe. La lueur d’une Église synodale qui guide. Des lueurs qui allument en moi le feu de l’espérance.

J’espère, par ce message, t’offrir un peu de cette lueur et je souhaite de tout mon cœur que nous puissions la raviver ensemble, embrasés par le feu de l’Esprit. »

Gwenaëlle Martin

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