Au Bocage, les enfants se reconstruisent

20 mai 2014

Au Bocage, les enfants se reconstruisent

En 1868, Camille Costa de Beauregard ouvre à Chambéry une maison pour enfants, l’Orphelinat du Bocage. En 1954, les Salésiens de Don Bosco en prennent la responsabilité. Aujourd’hui, la maison d’enfants fait partie de la Fondation du Bocage. Gabriel Tardy est depuis 2007 directeur de cette maison qui accueille près de quatre-vingt jeunes de 6 à 22 ans. Un directeur imprégné des valeurs de Don Bosco.

 

 

 

 

DBA : Votre établissement accueille des jeunes de tous ages. Comment êtes-vous organisés ?

Gabriel Tardy : Nous sommes répartis en quatre unités : l’internat, le service d’hébergement externalisé et l’accueil de jour. L’internat est composé de quatre groupes :  Junior pour les 6-13 ans où nous assumons les tâches du quotidien et la scolarité ; le Prieuré, pour les 8-18 ans, situé dans un environnement rural ; l’Envol, adapté aux jeunes qui abordent l’adolescence où l’accompagnement est orienté vers la construction identitaire ; et Odyssée pour les 16-18 ans, où le jeune est soutenu dans chacune des étapes menant à la réalisation d’un projet professionnel.

 

 

DBA : Et l’accueil des plus jeunes majeurs ?

G.T. : Le service d’hébergement externalisé regroupe Horizon et Accueil Jeunes Majeurs (AJM), soit dix-neuf jeunes de 16 ans et demi à 21 ans, logés dans des appartements individuels ou collectifs répartis au centre-ville. Le groupe Émergence. accueille le jour des jeunes en rupture totale ou partielle avec la scolarité. L’approche est fondée sur la notion de projet, qu’il soit individuel ou collectif. La plupart accèdent à une formation professionnelle ou une réintégration scolaire à leur sortie.

 

 

La Fondation du Bocage à Chambéry administre, gère et anime : le lycée « Costa de Beauregard », lycée de l’horticulture, du paysage et des services ; le centre de formation continue (CFPC) ; des centres de vacances ; la maison d’enfants du Bocage.

DBA : Le Bocage est une maison salésienne. Sur quelles valeurs vous appuyez-vous ?

G.T. : Nous privilégions une approche globale de la situation du jeune, c’est-à-dire la prise en compte des facteurs significatifs de son parcours et leur interdépendance. Nous sollicitons autant que possible les familles, les partenaires sociaux et les personnes ressources afin qu’ils prennent une part active dans le processus d’évolution.

 

Notre travail quotidien, fondé sur la qualité de la relation, s’organise autour de quatre postures éducatives : la protection et la prévention, où nous accompagnons le jeune dans ses difficultés, ses projets et l’apprentissage du « vivre ensemble » ; la confiance où nous portons sur lui un regard bienveillant et nous invitons chaque jeune à développer ses capacités relationnelles, intellectuelles et adaptatives. Nous encourageons ses réussites par des paroles valorisantes, et nous le soutenons en cas d’échec pour lui permettre de croire en ses possibilités et de se projeter dans l’avenir ; l’Alliance, où il ne convient pas de faire « pour » le jeune mais « avec » lui ; et enfin l’animation, où nous nous efforçons de créer une ambiance conviviale, des espaces de rencontre et de partage pour développer la relation éducative. L’adulte ne se contente pas d’observer, il participe aux activités. C’est notre projet éducatif qui nous sert de référence.

 

 

DBA : Les jeunes du Bocage viennent de cultures différentes. Comment se passe la cohabitation ?

G.T. : Ce n’est pas toujours facile. Mais un moyen d’apprendre à respecter l’autre est de découvrir ou redécouvrir les fêtes religieuses, comme Noël, la fête de Don Bosco, Pâques, le Ramadan.
À l’occasion du Ramadan, une soirée a été organisée autour de la question des religions ; ce qu’est une religion ; les différences entre les religions ; les valeurs qui nous relient. Mohamed a dit une prière musulmane, et Monique une prière chrétienne. On s’attendait à avoir de la provocation mais les jeunes ont écouté. Ils étaient là, tous en silence. Puis on a chanté, dansé. Pour Noël, on fait une fête ; on invite un peu largement, on investit la chapelle, on change les bancs de place. Un groupe évangéliste vient animer notre veillée. On présente au début des vidéos, on parle du sens de Noël, un passage du film sur la nativité. Le Père Rojon parle de la nuit de Noël à partir de l’Évangile ; et après, ça se termine en musique et en danse. Pour la fête de don Bosco, on a interviewé l’évêque. Pour Pâque, on fait la fête de la solidarité, autour d’un tournoi de football, avec une petite participation financière ; et est l’argent reversé pour une œuvre caritative. À la fête de la mi-Carême, on insiste plus sur le partage du pain, des expériences, des mots.

 

Chacune des fêtes est une occasion de faire participer jeunes et éducateurs. Les jeunes sont demandeurs de fête. Par ce biais, on délivre un peu d’identité institutionnelle, chrétienne et musulmane. On redécouvre le sens du religieux, de ce qui nous relie. Tout est à construire. Les jeunes sont en attente de quelque chose, de l’ordre de ce qui relie, de la foi, du sens.

 

 

Gabriel Tardy, directeur de la Maison des Enfants,

Fondation du Bocage, Chambéry

interviewé par Vincent Grodiziski

22 mai 2014

 

 

Interview de Gabriel Tardy, directeur de la Maison d’enfants du Bocage

 

« Il y a toujours à inventer dans le lien entre l’école, les équipes de soutien et les familles »

 

Cette interview a été réalisée au cours du Congrès de l’éducation salésienne,
les 21 et 22 mars 2014.

 

 

 

 

Saïd, 16 ans : Merci Émergence

« Émergence était très difficile au début ; je n’arrivais pas à m’intégrer au groupe car j’étais très timide mais je me suis très vite intégré grâce à l’accueil des autres garçons et filles la plupart domiciliés au foyer du Bocage  et d’autres comme moi issus du quartier de la ZUP de Chambéry le haut. Actuellement, les choses pour moi se sont améliorées, je suis plus présent et je commence à trouver ma voie professionnelle : je vais faire un stage en entreprise placo. Ici on fait des maths, du français. On travaille sur les projets professionnels, nous avons fait un chantier éducatif à Toulon, le travail consistait à mettre en valeur les espaces verts d’un camping. L’ambiance était superbe, la motivation était là. Nous avons sué pendant trois jours. Le patron nous a fait part de ses remerciements et nous a donné une rémunération. Cet argent servira à réaliser un projet. De cette semaine, je n’en retiens que des bonnes choses. Voilà, je ne j’ai plus à me faire de soucis. Merci Émergence. »

Nathalie, 17 ans : j’ai trouvé une ambiance que j’avais perdue dans ma vie

« Horizon m’apporte beaucoup de choses. C’est-à-dire, j’ai retrouvé une ambiance que j’avais perdue dans ma vie. Vivre dans un appartement avec des filles, créer des relations, savoir vivre avec les gens, comment il faut éviter les problèmes, faire des sorties ensemble, découvrir d’autres villes, manger ensemble, parler de nos projets. Je suis contente d’avoir des éducateurs sympas, souriants, qui savent comment consoler les jeunes et trouver des solutions en cas de tristesse. Pour moi, Horizon n’est pas un foyer mais une grande famille qui a beaucoup d’amour et beaucoup de solidarité. »

 

 

 

 

 

Oeuvres salésiennes