« La sanction doit-elle être pénible ? » par Yan Plantier, philosophe

12 janvier 2017

Au sein d’un établissement dont l’esprit est celui de la « bienveillance », le mot « pénible », sonne étrangement. Et pourtant, les éducateurs de Don Bosco le savent : « bienveillant » ne veut pas dire « laxiste ». Écoutons Yan Plantier, philosophe et enseignant à la faculté de Lyon, intervenant à la journée d’étude organisée au Centre Jean Bosco de Lyon, le 1er avril 2016, sur le thème de la sanction. « Si nous prétendons que la sanction n’a pas à être pénible, alors il ne faut pas parler de sanction ».

 

Nul n’est méchant volontairement mais seulement par ignorance ou par faiblesse

Le thème de la sanction a ouvert la pensée de l’éducatif. Référons-nous à Platon : « Nul n’est méchant volontairement mais seulement par ignorance ou par faiblesse ou manque de caractère ». Platon essaie ainsi de signifier que personne ne peut aimer le mal pour le mal, personne ne peut être mauvais par nature, car le désir profond de l’homme est le désir du Bien. Pourquoi alors l’homme est-il mauvais ? Ce qui fait que l’homme est mauvais, c’est soit qu’il ignore le Bien soit parce qu’on ne le lui a pas présenté, soit parce qu’il se trompe à son sujet, soit parce qu’il est trop faible pour être à la hauteur de ce qu’il vise.

Ce n’est pas parce qu’on jouit du mal, qu’on aime le mal qu’on fait !

Être trop faible selon son propre caractère… c’est être piégé dans son état de jouissance, être incapable de parvenir à s’en extraire pour passer à l’ordre du désir marqué par le manque et la parole. Car ce n’est pas parce qu’on jouit du mal (ce que m’ont confirmé dix ans de travail en prison), qu’on aime le mal qu’on fait. Ce n’est pas parce qu’on jouit du mal, qu’on désire le mal !

Formation sur la sanction 

Le service de formation des « Maisons Don Bosco » organise une journée de formation sur « Faire Autorité, Sanctionner, Restaurer, Responsabiliser », les Jeudi 19 et Vendredi 20 Janvier 2017 + Le vendredi 20 Mars 2017 à Paris.

Comment passer de la jouissance au désir ?

Et c’est bien toute la redoutable ambiguïté de cette affaire ! La personne qui a fait du mal (je parle ici de grands criminels), peut tout à la fois avoir du remord et être piégée par la jouissance qu’elle a eue et qu’elle éprouve encore. Et passer de la jouissance au désir, c’est la grande affaire des hommes : sortir d’un rapport immédiat à la jouissance auto-centrée, pour viser le bien auquel tout notre être aspire, dans une joie partageable. Or cette affaire, nous dit Platon, requiert pour certains, de passer par l’épreuve de la peine.

Le passage à l’ordre symbolique de la règle et de la relation

La peine est cette ultime tentative d’opérer, chez celui qui est sans limite, un passage à l’ordre symbolique de la règle et de la relation. Cette opération recourt à la pénibilité de la peine comme à la dernière façon de « dégriser » le sujet de sa toute puissance. Or cette opération exige des conditions indispensables. Quelles sont les conditions d’un tel travail du sens ?

Les conditions indispensables d’un travail de sens

Le groupe de recherche
sur la sanction et parole du jeune

Une recherche-action a été menée durant trois ans sur la place de la parole du jeune dans le dispositif de sanction. La recherche, menée par le service formation des Maisons Don Bosco. Elle est pilotée par Emmanuel Besnard, salésien et éducateur, directeur du Valdocco – Nice.

Premièrement, que celui qui inflige la peine, sur le plan pénal, soit lui-même travaillé par le souci, par le désir, par l’amour du Bien. La peine doit être empreinte de la puissance d’amour et de bonté de celui qui la donne. La deuxième condition c’est que la peine soit prise de part en part dans un travail de paroles. La troisième condition qui accompagne évidemment les deux autres, c’est l’espérance !

Il ne faut donc pas trop vite vouloir soustraire la sanction éducative à la notion de peine en craignant de la rapporter à un registre pénal. La sanction ne sera pas éducative en évitant d’être pénible, mais en s’enracinant au plus profond d’un accès humain à l’ordre symbolique, c’est à dire en devenant l’opérateur d’un travail du sens qui demande plus de présence et d’autorité bienveillante que d’explications ou d’accommodements fragiles.

 

Yan Plantier
Enseignant chercheur en Philosophie à l’Université Catholique de Lyon
Enseignant à la faculté de Théologie et à l’Institut Pastorale d’Études Religieuses de Lyon
Diplôme Universitaire de criminologie clinique

 

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