« Un projet n’est jamais un long fleuve tranquille »

19 septembre 2016

Xavier de Verchère, salésien de Don Bosco, a réalisé un master sur le projet. Selon lui, la clé de la réussite d’un projet, c’est savoir évaluer les risques. Il développe une méthodologie du projet réaliste et résolument optimiste.

 

Don Bosco Aujourd’hui : Que diriez-vous à un jeune qui veut créer un projet dans un établissement, par exemple un débat, un point écoute ?

Xavier de Verchère : Si un jeune veut créer un point écoute, organiser une fête ou un débat dans un établissement, il doit d’abord montrer que ce projet va apporter quelque chose. C’est l’analyse de la valeur qui va montrer qu’il y a quelque chose qui manque et que le projet va apporter un bénéfice à la fin.

La différence entre un rêve et un projet, c’est qu’un rêve n’apporte pas nécessairement quelque chose. Le projet apporte au contraire une valeur ajoutée, un bénéfice pour tous.

Les clés de la réussite d’un projet

Du temps : le projet a un début et une fin, fixés au départ. Une fois que tout est en place, le projet est fini. Attention : ne pas oublier de fêter la réussite du projet une fois réalisé. Champagne !

Prévoir tous les moyens : pour réussir un projet il faut préciser tous les moyens nécessaires : une salle, des personnes, de l’argent par exemple. Tout cela doit être listé au départ.

Définir la valeur ajoutée : il faut bien définir le bénéfice pour toutes les personnes concernées. Le projet doit apporter quelque chose de nouveau. Quelque chose d’unique.

Toujours communiquer : ne pas oublier de bien communiquer tous les jours avec un vocabulaire précis.

Une équipe avec des profils différents : à chacun sa tâche… avec un leader qui a une vue d’ensemble.

Savoir évaluer tous les risques : on doit prendre le temps d’imaginer tous les risques possibles. Et les solutions pour chacun d’eux !

D.B.A. : Quelles sont les conditions pour qu’un projet réussisse ?

X. d. V. : D’abord le projet doit être réalisé dans une durée limitée. Il a une date de début et une date de fin. Ensuite, il y a des moyens financiers, enfin, il y a un niveau de qualité attendu. C’est un triangle – le coût, le délai, la qualité – à l’intérieur duquel le projet doit se situer. Si je dépasse le délai, les moyens ou les coûts, si je me situe en dessous de la qualité attendue, mon projet est un échec. Pour réussir un projet, il faut réunir toutes ces conditions.

Il faut également une équipe et un chef de projet, dirigeant, comme un pilote, les activités pour atteindre l’objectif prévu.

D.B.A. : Comment juger de la qualité d’un projet et de sa valeur ajoutée ?

X. d. V. : Il faut que les bénéficiaires soient satisfaits. Si je fais un débat et que cela ennuie les jeunes ou s’il n’intéresse personne, les attentes vont être déçues. Le projet n’a pas atteint le degré de qualité escompté. Cela ne veut pas dire qu’il faut tout abandonner et tout refaire. Cela veut dire qu’il faut changer, modifier ou transformer quelque chose qui n’était pas prévu.

Mais il y a d’autres éléments. Pour que le projet réussisse, il faut aussi que l’équipe soit contente et que les acteurs du projet se soient accomplis. Il arrive parfois que le projet soit trop stressant, trop complexe, trop lourd… Selon moi si l’équipe est « rétamée », ce n’est pas une réussite. Même si les bénéficiaires sont satisfaits.

D.B.A. : Comment gérer tous ces paramètres ?

X. d. V. : Dans toutes les formes de projets il y a un apprentissage. Au fur et à mesure l’équipe gagne en expertise et en confiance. Même en cas d’échec, il faut tirer les leçons. Mais il ne faut pas abandonner trop tôt. Ce n’est pas parce que le projet échoue ou patine que je ne peux pas le redresser. Bien souvent la solution n’est pas compliquée. Il suffit de rappeler les grands principes : durée limitée, communication, moyens, groupe soudé.

D.B.A. : Quelle sont les qualités d’une équipe projet ?

X. d. V. : L’équipe idéale est composée de personnes avec des qualités différentes : une personne avec un regard attaché aux détails, une personne qui a un regard global, une personne qui est plus communicante, une personne plus réaliste… Mais surtout il faut faire équipe. Il faut que chacun connaisse sa partition et ne fasse pas le travail d’un autre.

Don Bosco et le projet

Don Bosco avait cette mentalité. Se projeter pour apporter quelque chose de nouveau. Il avait sans cesse de nouveaux projets en chantier. 

D.B.A. : Quel est le profil du « leader idéal » ?

X. d. V. : Le bon leader est celui qui est capable de détecter tous les grains de sable qui peuvent bloquer la mécanique. Par exemple dans une équipe, il repère une personne qui ne fait pas ce à quoi il s’est engagé ou une personne qui dit qu’il l’a fait alors qu’il ne l’a pas fait. Il faut que le chef d’équipe, comme un chef d’orchestre, connaisse par cœur la partition de chacun. Il faut beaucoup de rigueur. Il est capable d’anticiper les problématiques et d’évaluer les risques.

D.B.A. : Que veut dire « évaluer les risques » ?

X. d. V. : Un projet n’est jamais un long fleuve tranquille. Il y a toujours des problèmes. Il faut être capable d’anticiper tous les risques et d’imaginer les solutions. Il y a des acteurs, comme les chefs d’établissements, qui peuvent soutenir le projet. Il y a des parties prenantes positives, mais aussi des parties prenantes négatives – qui peuvent consciemment ou inconsciemment bloquer le projet.

Des études ont montré que 80% des projets sont des échecs. Le projet, c’est une succession de projets les uns derrière les autres. Réussir un projet c’est très compliqué parce qu’il y a plein de choses qu’on n’avait pas prévues qui interviennent.

D.B.A. : 80% des projets sont des échecs. Ce n’est pas encourageant !

X. d. V. : C’est pourquoi il convient d’analyser les risques. Il faut anticiper les problèmes et imaginer des solutions à des problèmes qui ne sont pas encore arrivés. C’est là, la difficulté.

Imaginons le pire du pire, une loi par exemple, ou une réglementation, qui torpille un projet. Comment faire pour rebondir ? Le risque le plus grand c’est que l’équipe soit fragilisée. Le pire qui puisse arriver est que l’équipe se disloque. La réussite du projet est quelque chose qui s’apparente à la foi. Il convient d’avancer patiemment.

 

Propos recueillis par Hélène BOISSIERE-MABILLE

Société