Nicole Maillard, présidente du Valdocco : « Quels adultes serions-nous si nous cessions de croire en les capacités de la jeunesse en devenir ? »

15 juillet 2023

Nicole Maillard, présidente du Valdocco : « Quels adultes serions-nous si nous cessions de croire en les capacités de la jeunesse en devenir ? »

Le Valdocco, l’association salésienne de prévention née à Argenteuil en 1995, et présente désormais dans des quartiers d’Argenteuil, Lille, Lyon, Marseille, Nice, Saint-Dizier et Vaulx-en-Velin, a pris la parole cette semaine, par la voix de sa présidente, Nicole Maillard, à la suite des événements qui ont marqué la France ces derniers jours (mort de Nahel à Nanterre, puis émeutes urbaines durant plusieurs nuits). Voici le texte qui a été publié.

« Tous nous avons été choqués par la façon dont le jeune Nahel a trouvé la mort. Nous avons ensuite été choqués par la violence des actes commis par de jeunes émeutiers. A la douleur de ces deux chocs, nous ne voulons pas rajouter un troisième qui serait celui de croire et de faire croire qu’il suffit de ramener le calme pour que tout rentre dans l’ordre.

Le Valdocco n’a pas pour habitude de se retrouver dans des lieux de communication. Aujourd’hui pourtant, sans posture idéologique, nous souhaitons parler. Pour les familles qui nous font, au quotidien, confiance, en premier pour elles, nous voulons être là.

Rappelons-nous, 1995 à Argenteuil, ville du Val d’Oise qui voit un à un ses commerces fermer, ses structures de proximité s’éloigner, sa jeunesse désœuvrée, errante, sans avenir, ses parents démunis. Le Valdocco est né de là, par la rencontre d’éducateurs et de parents inquiets du devenir de leurs enfants. C’était dix ans avant les émeutes de 2005.

Depuis près de trente ans et un chemin quotidien de présence dans de nombreux quartiers, en France, nous savons que tous les jeunes ne sont pas des émeutiers et toutes les familles vivant dans les quartiers ne sont pas défaillantes. Nombreuses sont celles qui transmettent le goût de la vie, le désir d’un avenir, et cherchent à construire un monde où chacun peut avoir sa place. C’est avec elles que le Valdocco travaille pour prévenir les dérives, les fractures qui cloisonnent et isolent.

Prévenir, c’est une autre façon d’éduquer. C’est celle que le Valdocco choisit. Prévenir pour éduquer. Éduquer pour prévenir. Le besoin est urgent. Il n’est plus négociable aujourd’hui et pour demain. Education et prévention impliquent de la présence, c’est le sens du Valdocco avec ses professionnels, ses bénévoles, comme c’est aussi le sens d’autres associations de quartiers.

Depuis si longtemps, l’enjeu est le même : le devenir des jeunes, lié au devenir d’une société.

Dire ainsi les choses pourrait révéler une note de pessimisme. C’est l’inverse qui se joue : quels adultes serions-nous si nous cessions de croire en les capacités de la jeunesse en devenir ? Si nous baissions les bras devant nos capacités d’adultes à accompagner les jeunes vers leur avenir ?

Oui, le monde d’aujourd’hui est de plus en plus complexe. Pour les jeunes, le comprendre devient parfois un défi. Être là en tant qu’adulte, dans cette complexité, dans l’affirmation qu’on peut y être acteur, en montrant qu’on peut y faire des choix, pour soi et pour les autres, ne va pas de soi.

Oui, le monde d’aujourd’hui ouvre les jeunes à une grande assiduité, voire une dépendance aux réseaux sociaux. Être là pour ne pas les laisser en errance avec tout ce qu’ils trouvent, et éduquer au discernement revient à donner les outils qui peuvent protéger.

Oui, le monde d’aujourd’hui a vite fait de cataloguer, catégoriser, juger, de fracturer, de laisser et d’oublier.  Être là pour dire qu’il y a richesse à être différents, à se rencontrer, à initier la confiance, est signe de sens.

Ce monde d’aujourd’hui, et son devenir, tous nous en sommes responsables. Pas de posture idéaliste. Et si les discours sont tantôt laxistes, tantôt répressifs, travaillons à sanctionner avec fermeté les actes inadmissibles et à éduquer les jeunes. Avec une attention particulière aux plus fragiles, ceux des quartiers dont bien souvent ils ne sont jamais sortis, et qui représentent les lieux des fractures scolaires, sociales, culturelles, relationnelles…,  le lieu qui isole. Ces plus fragiles, croyons qu’ils représentent une énergie incroyable. Et croire en ce potentiel nous regarde tous.

Avec ces jeunes, avec les familles, en écoutant et en prenant en compte les besoins, en coconstruisant, il y a l’enjeu d’un vivre pour chacun, d’un avenir pour nous tous. Un défi. Osons ! »

Nicole Maillard
Présidente du Valdocco
Cette association salésienne est présente
dans des quartiers d’Argenteuil, Lille, Lyon,
Marseille, Nice, Saint-Dizier et Vaulx-en-Velin.
Plus d’infos sur https://www.levaldocco.fr

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